Titre original : Jaws
1975 – Etats Unis
Genre : Suspense
Durée : 2h04
Réalisation : Steven Spielberg
Musique : John Williams
Scénario : Peter Benchley et Carl Gottlieb d’après le roman de Peter Benchley
Synopsis : 1975 sur l’île d’Amity. Pendant une soirée proche de la plage, une jeune femme disparait dans l’eau. Une sombre créature des mers en est responsable.
On va avoir besoin d’un plus grand bateau ! Une ligne de dialogue simple, mais gravée dans les mémoires depuis 1975. À cette lointaine époque, Steven Spielberg n’était pas encore le Dieu qu’il est aujourd’hui. Il était jeune, enthousiaste, un peu fou (il le dit lui-même) et surtout, il débutait. Quelques courts métrages en poche, des épisodes de séries TV, puis voilà que Duel en 1971 le propulse sur le devant de la scène alors que de base, il ne s’agissait que d’un téléfilm. Après quelques autres téléfilms, voilà qu’il tombe sur le scénario de Jaws, Les Dents de la Mer donc. Il voit là une expansion de son travail sur Duel, le requin remplaçant le camion. Il n’en faut pas plus pour qu’avec 8 millions en poche (dont quasi 1 million pour construire trois requins différents), le jeune Spielberg se lance dans une aventure qui va lui mettre pas mal de bâtons dans les roues, entre un requin qui refuse de fonctionner sur le plateau, Robert Shaw buvant un peu trop entre les prises et j’en passe. Le réalisateur devra ruser pour livrer un film qui tienne la route. Et à sa sortie, la surprise, Les Dents de la Mer est un carton, propulse Spielberg au premier rang, lance par la même occasion la carrière de John Williams qui signe un thème musical dont tout le monde se souvient, et le film devient le premier « carton de l’été ». Oui, si depuis, on a droit à des films typiques de l’été pour amener les spectateurs dans les salles, on le doit aux Dents de la Mer, alors qu’il s’agît d’un film à suspense, et que de base, les gens aiment se baigner et aller à la plage. Ironique, puisque le film va en traumatiser plus d’un. Le film aura aussi lancé une mode dont il n’a pas franchement à être fier, celle des films animaliers, qui s’ils tenaient la route pendant quelques temps malgré un simple but commercial (Les Dents de la Mer 2, quelques copies italiennes, Piranhas de Joe Dante), dés 1983, c’est le drame avec des concepts de plus en plus improbables et débiles, initié par Les Dents de la Mer 3.
Aujourd’hui, tout le monde connait Les Dents de la Mer, tout le monde connait le film, la légende, son histoire, son final, et surtout le talent avec lequel Spielberg a réussi à mettre en image une créature qui de base ne fonctionnait que lorsqu’elle le voulait sur le tournage. Depuis, on ne compte même plus le nombre de films reprenant la même base d’intrigue. Si bien que depuis, lorsque l’on voit un film avec un Maire qui refuse de fermer des plages (ça peut aussi marcher avec d’autres animaux dans d’autres lieux touristiques de grande affluence) pour continuer de se faire de l’argent alors que le danger rôde, on soupire devant un tel cliché, cliché lancé par Les Dents de la Mer. L’histoire se situe donc à Amity, petite île sympathique où tout le monde se connait, et dont Brody est là pour maintenir l’ordre après avoir travaillé à New York auparavant. Et dés la scène d’ouverture, Spielberg met le ton avec sa première attaque, toute en suggestion, avec de superbes plans subjectifs sous-marin, les quelques notes du score de John Williams, et une femme criant à l’aide avant de disparaître dans les profondeurs. L’enquête pour Brody, mais surtout son envie de protéger les habitants de l’attaque qu’un grand requin blanc, débute. Au départ seul contre tous face à une ville qui ferme les yeux sur la réalité car c’est mauvais pour le commerce, il sera heureusement rapidement rejoint par deux autres personnages, à savoir un océanologue (Richard Dreyfuss, qui jouera dans le remake de Piranha des années plus tard), et un chasseur de requins / pécheur (Robert Shaw). Les autres personnages, que ce soit la femme de Brody ou les autres habitants de l’île sont très rapidement éclipsés, au bout d’une heure de métrage.
Le temps pour Spielberg de placer quelques attaques sous le signe de la suggestion, avant d’envoyer son trio de personnage en mer pour chasser ce pauvre requin qui ne demandait qu’un peu de nourriture. Mais pour autant, le requin ne va pas être montré à tout va, loin de là, afin de ménager le suspense, et surtout de faire monter la tension. Après tout, on a plus souvent peur de ce qu’on ne voit pas. Le film va alors alterner les plans rapides des requins construits par l’équipe (lorsqu’ils fonctionnent) et des images tournées en Australie avec de vrais requins. Le mélange des deux fonctionne un max. Mieux, Spielberg profite de cette seconde partie, jouant pourtant beaucoup plus sur le suspense, pour développer ses personnages, les rendre plus humain, et même au détour d’une scène mythique, un passé plutôt prenant. Avant que le squale ne revienne mettre un terme à tout ça. En terme de film animalier sérieux, Les Dents de la Mer est assurément le haut du panier, mainte fois copié, jamais égalé. C’est sans doute le plus grand défaut du film, même s’il ne concerne pas l’œuvre cinématographique en question, à savoir sa descendance. Pour retrouver un film de genre aussi fort et jouant sur la tension plutôt que les attaques répétées, il faudra attendre longtemps, avec des films tels Solitaire ou The Reef.
Les plus
Le pouvoir de la suggestion
Le suspense du film
La deuxième heure sur le bateau
Le thème de John Williams
Les moins
La mode que le film a lancé
En bref : Malgré son âge, Les Dents de la Mer demeure encore aujourd’hui le meilleur film de requin. Le film sait quand il faut montrer l’animal et quand le suggérer, et délivre un suspense efficace et prenant.
Gros morceau, grand film, bonne pêche. Jaws c’est le début de la catastrophe estivale périodique, c’est l’art de faire quelque chose d’énorme avec beaucoup de petits pas grand chose, c’est Hitchcock qui boit la tasse et Corman renvoyé à ses monstres en caoutchouc.
Tu as parfait défini ce film qui fait la démonstration (et dans « démonstration » il y a « monstre ») des immenses qualités de réalisateur de Spielberg, déjà auréolé d’un prix à Cannes à cette époque (on a tendance à oublier « Sugarland express »).
Un film que je ne me lasse jamais de voir et revoir depuis l’époque de la VHS. Il serait peut être temps que je passe au Blu-Ray par contre, mon édition DVD 25ème anniversaire commence à faire la gueule !
Et tu fais bien de mentionner Sugarland Express, que je n’ai… jamais vu. Un des rares Spielberg sur lequel mes yeux ne se sont jamais posés (j’ai revu Duel également récemment, mais dans une copie plutôt moyenne, dommage).
Je crois que j’ai la même copie de Duel. 😉
Dans son jus, ça passe quand même.
Absolument d’accord. Excellente analyse comme toujours. Bien détaillée, toujours intéressante. Merci de ce retour sur Jaws. Il a marqué un style.
Merci encore une fois de ton commentaire et de ton retour sur mon travail. Jaws est un de ces films dont le travail sur la suggestion fait qu’il fonctionne toujours autant aujourd’hui et ne vieillit pas.