Avec Ito Kentaro, Tamashiro Tina, Iitoyo Marie, Akita Shiori, Kitagawa Miho, Sakumoto Takara et Tanaka Taketo
Synopsis : Kasuga Takao est un lycéen. Il voit sa camarade de classe lire Les Fleurs du Mal de Baudelaire dans une librairie, et cela lui rappelle les durs événements du collège. Sa vie a totalement basculé lorsqu’il a trouvé par accident un jour les vêtements de gym de sa camarade de classe Saeko Shiori, pour qui il en pinçait. Sentant une présence, il a volé les vêtements dans la panique, sans savoir que Nakamura Sawa, une camarade de classe un brin vulgaire, l’a vu faire.
The Flowers of Evil, en voilà un titre étrange, sur lequel je n’aurais rien parié, mais qui m’a immédiatement rendu curieux. Car une adaptation de manga parlant de l’habituel passage à l’âge adulte, des tourments et pulsions adolescents, ce n’est pas rare, on peut en trouver sans doute, que ce soit en film ou en drama, une bonne vingtaine par an en provenance du Japon, et tout autant dans les autres pays Asiatiques. Mais voir un manga de ce style qui promet un style un peu plus noir et qui se trouve comme réalisateur un certain Iguchi Noboru, avouez que là ça surprend plus, tant l’homme semble éloigné de ses habitudes. L’homme qui s’est fait connaître à l’international en signant The Machine Girl en 2008, et qui aura exploité le filon depuis avec des Robogeisha, Mutant Girls Squad, Karate-Robo Zaborgar, Zombie Ass, Dead Sushi ou encore Nuigulumar Z semble avoir atteint un certain tournant dans sa carrière. Depuis 2014, il semble en effet accepter beaucoup plus de films de commande, ce qui fait qu’un film sur deux, on le trouve à ses bouffonneries habituelles avec un Hentai Samurai, Slavemen ou Ghost Squad (je vous en parle bientôt, c’est une catastrophe insupportable), et entre les deux, on trouve un Live, Devotion to Cinema, ou The Blue Hearts, une anthologie de courts métrages où il réalise avec d’autres réalisateurs un hommage au groupe du même nom. Après des années de bouffonneries, Iguchi a-t-il envie d’ouvrir son style, ses horizons ? De changer ? Ou tout simplement de varier son cinéma, d’essayer de nouvelles choses ? C’est tout à son honneur en tout cas, surtout que dans le cas de The Flowers of Evil, le manga a plutôt bonne réputation (l’anime aussi), et il ne signe pas le scénario, ce qui nous évite le souci habituel de l’idée unique étirée sur tout le film, surtout que le métrage dépasse la barre des 2 heures. Maintenant, est-ce que c’était bien ? Tout dépend des attentes vis-à-vis du film, de si l’on connaît le manga de base comme souvent, et de notre capacité à accepter les changements de ton du métrage, qui passe souvent de moments durs à des moments plus comiques, de scènes presque chocs à des scènes niaises. En tout cas, au début.
Un film qui veut donc parler des tourments adolescents en utilisant tout un panel d’émotions, de styles, de genre. Par moment, on a même l’impression qu’Iguchi veut faire son Sono Sion, tant dans sa description de la psychologie adolescente, certains tourments, ou même certaines idées, on semble être dans le cœur du cinéma de Sono. Mais Iguchi n’a pas le même talent pour filmer, même si en soit, il livre une copie propre, et prouve également qu’il sait toujours diriger des acteurs. Ce n’était pas gagné tant beaucoup viennent de l’univers des dramas, ou tout simplement débutent. On y suit donc Kasuga Takao, un jeune presque comme les autres, qui a sa bande de potes, en pince pour une fille de sa classe, et qui, alors qu’il retourne à l’école pour récupérer un livre qu’il a oublié (et qui donne son titre au film, oh subtilité), tombe sur les vêtements de sport de son crush, et sous la panique, se sentant observé, les vole et les ramène chez lui. Sauf qu’une de ces camarades de classe, passant son temps à dormir en cours et à ne pas respecter l’autorité, utilisant un langage pour le moins fleuri, l’a vu, et va en profiter pour le faire chanter. Débute alors une relation étrange, une sorte de trio amoureux, entre rage, haine, répulsion, soumission, manipulation, et beaux sentiments. Et si j’étais perplexe pendant 20 minutes, la magie a finie par opérer. Ito Kentaro joue notre jeune héros timide, qui passe la plupart de son temps à subir les autres et est clairement le soumis ici. Et qui dans le fond, va se mettre à aimer ça. Il s’en sort plutôt bien, même si comme d’habitude il a probablement plus été embauché pour attirer de la midinette in love que pour ses talents d’acteur. Face à lui, nous avons celle qui le soumet, Tamashiro Tina, qui décidemment était très présente sur les écrans en 2019, et pas forcément pour le meilleur, puisqu’elle tenait le premier rôle dans le détestable Diner de Ninagawa, et tenait le rôle d’Enma Ai dans l’adaptation sur grand écran de Hell Girl par Shiraishi. Ici, même si elle va beaucoup crier, elle s’en sort très bien dans son rôle. Le reste du casting principal sera constitué de Akita Shiro, qui débute, tenant là son deuxième rôle au cinéma après seulement 2 dramas et Iitoyo Marie, vue récemment dans le film Shirai San, et ça tombe bien, je vous ai dit beaucoup de bien du film il y a quelques jours.
Malgré ses 2h07, bien qu’on puisse dire que ce soit un peu trop long par moment, et ironiquement un peu trop court vu comment parfois les événements s’enchainent vite, The Flowers of Evil passe bien. Les acteurs sont investis, Iguchi parvient à nous surprendre, à la fois en se faisant plus suggestif que démonstratif, et car du coup, il nous surprend dans nos habitudes. Certains moments plutôt durs, ceux qui ont attrait à la perversion ou la soumission des personnages fonctionnent, et même certaines scènes un peu plus douces fonctionnent. Quelques petits moments un peu plus niais, présents d’ailleurs dans le fond dés le début, et qui me faisaient grincer des dents, trouvent alors un peu grâce à mes yeux, comme si dans cet étrange numéro d’équilibriste, Iguchi parvenait à doser l’ensemble pour faire passer le tout. Oui, au départ, le premier rencard entre notre héros et Saeko, je trouvais la situation mignonne, la déclaration de Kasuga pure, mais j’avais un peu de mal à y croire. À croire à ce début de relation alors qu’ils ne se sont parlés que deux fois et que leur premier rencard était dans une librairie. Et puis tout à coup, sans prévenir, je n’y ai plus fais attention, l’ensemble aimant varier les situations, passer d’une scène niaise à une scène plus dure, parfois plus grotesque, ou plus perverse, avec vol de petites culottes, destructions d’une classe, ou, comme annoncé dés la scène d’ouverture, des scènes de suicide également, l’ensemble passe plutôt bien.
Iguchi livre d’ailleurs une copie propre. Ça a parfois des allures de gentils dramas, mais quelques scènes parviennent malgré tout à surprendre, et d’autres moments sont également un poil plus surréalistes. En fait, on peut même dire en terme de réalisation pure qu’il signe peut-être son meilleur film non ? Et comme le métrage ne recule pas devant les diverses situations qu’il propose, il trouve alors un bon équilibre entre ses différents éléments. Il y a même, malgré une relation certes malsaine entre Kasuga et Nakamura, de beaux moments entre les deux. Une relation certes basée sur la soumission, la destruction et la perversité, mais qui a ses bons moments, plus doux. Tellement que je me suis mis à… apprécier ces deux personnages et leur relation ! Comme quoi. Peut-être que ce sont juste ses changements de ton qui permettent de passer d’un élément à un autre qui me font être gentil envers le film finalement. Mais non, j’ai bien aimé The Flowers of Evil. Un film qui trouve une certaine complexité dans les émotions de ses personnages, à force de les bousculer dans tous les sens. Ce n’est pas parfait, Iguchi n’est pas le meilleur réalisateur du monde, mais le voir prendre un film de commande avec sérieux et freiner ses envies fait plaisir à voir.
Les plus
Un film sérieux de la part d’Iguchi
Beaucoup de changements de ton
Des moments assez durs et surprenants
Finalement, le casting s’en sort plutôt bien
Des moments plus doux qui… sont en fait plutôt jolis
Les moins
2h07. Trop long ?
Quelques scènes malgré tout trop niaises
Un petit temps d’adaptation pour rentrer dans le délire ?
En bref : Iguchi livre une œuvre de commande qui adapte un manga (oh surprise) et qui se penche sur la part sombre des tourments adolescents, avec son lot de soumissions, perversions, doutes, destructions (physiques et morales) et j’en passe. Un peu trop long, quelques scènes fonctionnent moins, mais pour une fois, l’effort est louable, on se prend au jeu, et finalement, c’est très sympathique.