BIG BANG LOVE, JUVENILE A (46億年の恋) de Miike Takashi (2006)

BIG BANG LOVE, JUVENILE A

Titre original : 46-okunen no koi – 46億年の恋
2006 – Japon
Genre : Drame
Durée : 1h25
Réalisation : Miike Takashi
Musique : Endo Kôji
Scénario : Nakamura Masa

Avec Matsuda Ryuhei, Ando Masanobu, Kubozuka Shunsuke, Endo Kenichi et Ishibashi Renji

Synopsis : Jun Ariyoshi est un jeune homme qui travaille dans un bar gay. Un soir, Jun est agressé sexuellement par un client, mais pendant la bagarre, il assassine sauvagement son agresseur. Ne montrant aucun remord, il est emprisonné pour meurtre. Il fait alors la connaissance de Shiro Kazuki, un détenu charismatique qui porte des tatouages étranges. Jun tombe rapidement en admiration devant Shiro, dont les méthodes violentes et le regard meurtrier en font un pilier de la prison. Les deux jeunes hommes se lient progressivement d’amitié, puis finissent par former un couple que rien ne peut séparer. Mais un jour, un gardien surprend une bagarre entre deux prisonniers. La victime s’avère être Shiro, étranglé par son agresseur, lequel n’est autre que Jun, s’exclamant « je l’ai tué »…

Il aura fallut attendre 2006 pour que Miike Takashi nous livre en quelque sorte son premier film d’auteur, à la beauté fulgurante, comme pouvait l’être certaines de ces précédentes œuvres, comme Rainy Dog, Bird people of China ou encore Dead or alive 2.  Jusque là, la plupart de ses films étaient des œuvres facilement identifiables, via ses thèmes, son milieu, son époque. On se retrouvait souvent dans le milieu des yakuza, à notre époque, et les valeurs de la famille y tenaient une place importante. Si certaines œuvres sortaient du lot, comme IZO en 2004, fresque intemporelle totalement folle, très belle, très cruelle également, ce nouveau film (pas si nouveau, Miike ayant fait depuis au moins 15 films…) vient se placer entre les deux, entre œuvre sortant du lot, et œuvre purement ancrée dans la logique de sa filmographie. Surprenant, beau, difficile d’accès, éclaté, minimaliste et étrange, voilà quelques mots parvenant à décrire l’expérience s’offrant à nous, déstabilisant le spectateur, aussi bien le fan que celui ne connaissant pas le bonhomme. Car Big Bang Love, Juvenile A n’est pas l’œuvre la plus simple de Miike Takashi, mais d’un autre côté, nous nous retrouvons devant son film le plus épuré visuellement et son plus éclaté narrativement, aux côtés d’IZO. Ici, Miike peut expérimenter un peu tout ce qui lui plait, ce qui nous donne une œuvre assez hors du commun, à la fois si simple à expliquer, et si complexe de par ces nombreux petits détails et son visuel à la fois épuré et lourd de sens.

Jun et Shiro sont deux jeunes, que tout oppose. Ils arrivent le même jour en prison, pour y purger la même peine. Jun est un garçon très calme, ici pour avoir tué un homme ayant abusé de lui, mais dont les mutilations sur son corps ont étés impossibles de faire passer pour de la légitime défense. Jun ne parle pas. Shiro lui, est un récidiviste au comportement brutal, qui utilise ses poings pour s’exprimer. Tout les oppose et pourtant, ils sont étroitement liés, et vont rester ensembles. Jun ne va pas changer, restant l’homme silencieux qu’il est, tandis que Shiro va faire parler de ses poings contre les autres prisonniers qui ne seront dans un premier temps pas toujours tendres envers Jun, qui développera alors une admiration silencieuse envers lui. Jun est alors là, narrativement, pour suivre une quête initiatique, dans un milieu souvent décrit dans le monde du cinéma comme étant froid. Mais ici, ce n’est pas le cas. Miike laisse le libre arbitre à son imagination, et sa prison devient quelque chose de radicalement différent, à la fois très visuelle et attirante, et à la fois vide de décors et de sens (à première vue). A leur arrivée en prison, ils passent parmi les détenus, entreposés autour d’un long couloir, sans murs. Ils sont juste séparés par des traits au sol et des halos de lumières. Le bureau du directeur est étrange, les murs sont de travers par rapport à la pièce. Dans cet univers hors du commun, ces personnages vont rester ensembles, s’attacher, et le tout se fera dans des séquences de rêveries et un jeu de regards solide. Ils se mettront à rêver à l’extérieur de la prison, d’une fusée pour atteindre l’espace et d’une pyramide maya pour atteindre le ciel, tandis que leurs péripéties seront suivies par un papillon bleu.

Un univers contrasté offrant son histoire sur un plateau dés le départ, mais dont le traitement sera plus ardu. Jun et Shiro arrivent en prison, et quelques temps après, Jun sera retrouvé en train de tuer Shiro, en l’étranglant. Plus qu’une description de la violence, Miike Takashi va prendre son temps cette fois ci pour l’expliquer. Expliquer la raison de la violence, comment elle peut jaillir là où on ne l’attend pas forcément. Une enquête policière sera alors au cœur du film, au cœur de ce drame entre deux hommes proches. Enquête menée par deux habitués du cinéma de Miike, que sont Endo Kenichi (Visitor Q) et Ishibashi Renji (Dead or alive, La mort en ligne), déjà réunis dans Flower and Snake de Ishii Takashi. Mais l’enquête n’est pas pour Miike la fin en soit, le cœur même de son histoire, mais plutôt le vecteur menant à l’explication d’un drame humain, d’un milieu hors du commun, rêveur. L’enquête permettra même à Miike d’exploiter visuellement de nombreuses choses, dont des scènes revues sous différents angles, avec ou sans les personnages et un interrogatoire où les questions sont affichées à l’écran, laissant pleinement la parole à l’accusé. Morcelé comme un puzzle, Big Bang Love, Juvenile A se révèle être une œuvre hors du commun, un miracle en plus dans la filmographie de Miike, qui va encore déstabiliser les spectateurs, une œuvre dont il y a tant à dire, mais dont les mots ne se forment pas toujours, à l’image du ressenti des personnages.

Les plus
Mise en scène sublime
Original et expérimental
Matsuda Ryuhei, parfait
Les moins
Peut-être des scènes que l’on revoit trop sous un autre point de vue

En bref : Miike nous livre un vrai film d’auteur, aux images belles et épurées, à la narration morcelée, lourd de sous-entendu. Nous nous trouvons en présence d’un drame humain, et d’une quête initiatique.

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