I CARE A LOT de J Blakeson (2020)

I CARE A LOT

Titre original : I Care a Lot
2020 – Etats Unis
Genre : Thriller / Comédie Noire
Durée : 1h58
Réalisation : J Blakeson
Musique : Marc Canham
Scénario : J Blakeson

Avec Rosamund Pike, Peter Dinklage, Eiza Gonzalez, Dianne Wiest, Chris Messina, Isiah Whitlock Jr., Macon Blair et Damian Young

Synopsis : Marla Grayson est une tutrice spécialisée auprès de personnes âgées et riches. Aux dépens de ces derniers, elle mène une vie de luxe. Mais sa prochaine victime a de très gros secrets. Marla va devoir utiliser son esprit et sa ruse si elle souhaite rester en vie.

J Blakeson n’est clairement pas le cinéaste le plus marquant de sa génération, loin de là. Ni le plus connu d’ailleurs. Il faut dire que commencer sa carrière au cinéma comme scénariste sur The Descent 2, ça n’aide pas forcément. La même année, il passait réalisateur avec la Disparition d’Alice Creed, thriller en huis clos sympathique malgré quelques défauts, mais qui bénéficiait d’un casting solide et d’une bonne tension. Puis c’est le silence pendant 7 ans, avant un retour discret et peu remarqué, La Cinquième Vague, démonté d’ailleurs par les critiques, et jamais vu pour ma part. Mais pour une raison inconnue, tous les regards sont tournés vers lui avec son troisième long métrage, I Care a Lot. Des critiques archi positives, les deux géants du streaming qui se sont battus et partagés les droits de distribution (Netflix et Amazon) et un Golden Globe de la meilleure actrice pour Rosamund Pike, rien que ça. Bon sur ce point, il était temps, tant l’actrice qui avait mal commencé chez Tamahori (Meurs un Autre Jour) ou Bartkowiak (Doom) a soudain eu plus de chance en tournant chez Wright (Le Dernier Pub avant la Fin Du Monde, même si je n’aime pas le film) puis de briller chez Fincher (Gone Girl). J Blakeson serait-il passé de cinéaste sympathique mais limité par son budget à cinéaste maitrisant son art ? Nous allons voir ça. Et ce qui frappe d’entrée de jeu, outre les réelles qualités du métrage, qui en a un paquet, c’est clairement son influence. Influence allant justement principalement piocher dans le cinéma de Fincher, et dans Gone Girl pour son personnage principal, ça tombe bien, encore joué par Rosamund Pike. Ici la jeune femme joue Marla, tutrice spécialisée dans les arnaques, se servant de quelques petits défauts dans les lois pour mettre sous sa garde dans des lieux privés des personnages âgées, les enfermer, et pouvoir liquider l’intégralité de leurs biens, dans le but de « financer leur séjour », mais surtout de se faire un max d’argent.

En gros, une belle garce manipulatrice comme je les aime au cinéma. Rosamund Pike brille encore une fois dans ce genre de rôle, même s’il est vrai qu’à certains rares moments, elle en fait un poil trop, notamment dans une scène, assez tardive. L’influence de Fincher se ressent elle dans la mise en scène, froide, ultra calculée, presque millimétrée également, et aussi dans le score musical de Marc Canham, qui ressemble dans ses sonorités souvent au travail de Trent Reznor et Atticus Ross, compositeurs de Fincher depuis The Social Network. Du coup non, après avoir été limité par son budget sur son premier film, J Blakeson est cette fois-ci un peu trop concentré sur les influences de son film. Est-ce que ça en fait un mauvais film pour autant ? Et bien pas du tout, j’ai même beaucoup aimé I Care a Lot, malgré ses défauts, malgré ses influences parfois trop marquées. Le point de départ est original et fait même plutôt froid dans le dos tant on imagine que ce genre de personnes et donc d’institutions, profitant des lois, doivent réellement exister en Amérique, et pas que. Enfermer des personnages âgées, contre leur propre volonté, en exploitant la justice et l’avis « légèrement » gonflé de leurs docteurs afin de les faire passer pour des personnes en difficultés, les laisser là, dans un bâtiment, froid, où on les gavera de cachetons à longueur de journée, et ainsi pouvoir exploiter jusqu’à la fin de leur vie leurs attributs financiers. Placements bancaires, maisons, objets de luxes en vente aux enchères, tous les moyens sont bons pour se faire de l’argent, pour accomplir la rêve Américain suivant la vision limitée et grotesque de Marla, et de son personnel. Si le scénario demeure prévisible, à quelques rebondissements près sur la fin (bien trouvés ces rebondissements d’ailleurs), ça se suit très bien, et les dialogues sont souvent finement écrits. Là où le film pourra être plus sujet à débat, c’est clairement dans sa mise en image.

Blakeson semble beaucoup emprunter à Fincher, et pour le reste, utilise quelques effets de styles (le silence, le ralenti, les lumières colorées) qui semblent être dans l’air du temps, et donnent un côté très actuel au film (et du coup, pas intemporel, certes). Mais malgré tout ça, j’ai bien adhéré à la mise en scène. Ce n’est pas toujours subtil, ça emprunte oui, mais ça reste finement filmé, agréable à l’œil et même élégant la plupart du temps. Même chose pour le score musical, on a l’impression d’entendre des sonorités venant de chez Fincher, mais le score est en soit très bon. Du coup, si on ajoute par dessus tout ça un bon rythme de croisière, des personnages finalement tous salauds (pas une seule âme charitable à l’horizon) mais un côté moralisateur absent, ça passe tout seul. D’autant plus que le casting est plutôt réussi. Certes, Rosamund Pike vole souvent la vedette aux autres, mais Peter Dinklage et Eiza Gonzalez ne sont pas en reste, très bons, bien qu’au temps de présence plus limité, et forcément, moins développés que l’attraction principale du métrage. Finalement, outre ses grosses influences, le point qui va clairement (et c’est déjà le cas apparemment) diviser le public, c’est le côté immoral de tout ça. Oui, nous suivons un personnage détestable pendant 2h. Oui, personne ne viendra relever le niveau, il n’y a pas d’humanité ici. C’est noir, cynique, ironique aussi. Ce côté là ne me dérange absolument pas, j’aime en fait. Pour moi, le seul vrai défaut du métrage outre ses influences, ce sera clairement quelques facilités scénaristiques. On met un gros danger sur la route de Marla, notre « héroïne », mais les personnages semblent finalement peu doués quand il s’agît d’agir. Certes, le cas contraire, le film aurait duré 1h20 voir moins, mais bon. J’ai beaucoup aimé I Care a Lot, mais les défauts sont là. Les qualités aussi.

Les plus

Très bon casting
Rythmé et se suit bien
La musique
Une mise en scène appliquée
Final bien vu

Les moins

Malgré tout, un film aux influences trop voyantes
Quelques facilités scénaristiques

En bref : I Care a Lot va diviser, pour pleins de raisons. Trop influencé par le cinéma de Fincher. Rosamund Pike jouant un rôle trop similaire à celui de Gone Girl. Quelques facilités scénaristiques faisant passer la mafia russe pour des incapables. Aucun personnage sympathique. Mais au delà de tout ça, la proposition de Blakeson est réussie. C’est noir, immoral, ironique souvent, influencé mais malgré tout bien filmé, et ça se regarde d’une traite avec plaisir.

2 réflexions sur « I CARE A LOT de J Blakeson (2020) »

  1. Il fait partie des films que je dois voir sur Netflix et ça me rassure de voir qu’il t’a bien plu. C’est bien aussi pour Rosamund Pike qui effectivement a marqué les esprits dans « Gone girl ». Autre prestation marquante, il y ce clip « phantasmatique » de Massive Attack : https://youtu.be/ElvLZMsYXlo
    Tu évoques la musique de Trent Reznor chez Fincher depuis The Social Network mais, en quelque sorte, elle est déjà présente depuis « Seven » avec ce morceau de Nine Inch Nails au générique.

    1. Ce qui est certain, c’est qu’il divise pas mal le public, je fais parti de ceux qui ont passé un bon moment. Une amie n’a pas du tout aimé mais j’ai l’impression qu’elle a tout pris au premier degré, ça doit jouer.
      Rosamund Pike, mine de rien, je suis heureux que sa carrière ai enfin pris un peu d’élan, car ces débuts étaient plus que discutables (MEURS UN AUTRE JOUR, DOOM), mais je sentais qu’elle avait du potentiel.

      C’est vrai oui, mais à présent, l’artiste est quasi indissociable de l’oeuvre de Fincher. Trent Reznor avait également signé le morceau de fin pour TETSUO THE BULLET MAN de Tsukamoto d’ailleurs tiens. Et pour la petite anecdote, j’avais faillis le rencontrer lors de mon long séjour à Los Angeles, j’étais (enfin, suis toujours, mais niveau news, je suis pas le meilleur comme tu sais) ami avec une artiste qui était un peu sa protégée et avait parfois joué en première partie de ses concerts, et pour qui j’avais fais un petit clip promo ainsi que des photos lors d’une tournée en Europe (notamment Londres et Paris). Que de souvenirs, ça me déprime de voir que c’était il y a déjà 11 ans tout ça…

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