Titre Original : アヴァロン
2001 – Japon
Genre : Science Fiction
Durée : 1h46
Réalisation : Oshii Mamoru
Musique : Kawai Kenji
Scénario : Itô Kazunori
Avec Malgorzata Foremniak, Wladyslaw Kowalski, Jerzy Gudejko, Dariusz Biskupski, Bartlomiej Swiderski, Katarzyna Bargielowska, Alicja Sapryk, Michal Breitenwald, Zuzanna Kasz, Adam Szyszkowski et Krzysztof Szczerbinski
Synopsis : Dans un avenir proche, le jeu de guerre illégal Avalon est un jeu vidéo sur lequel les joueurs branchent directement leur cerveau, et qui provoque des comportements addictifs. Certains joueurs sont tellement plongés dans le jeu que leur esprit y reste bloqué, leur corps demeure inerte, dans un état végétatif dont ils ne sortent plus : ce sont les non-revenus. Le nom « Avalon » provient de l’île des légendes celtes où vont les âmes des guerriers, dont celle du roi Arthur. Ash est assurément une des meilleures joueuses de ce jeu. Son but est de trouver le fameux niveau caché, la spéciale classe A.
Lors de sa sortie en 2001, donc il y a déjà pile 20 ans quand j’ai écris ces lignes, 21 ans pour la publication, Avalon fut pour beaucoup un choc, qu’il soit positif ou négatif. Oui, il faut le préciser, car si le film a son statut de film culte, a ses fans, a chamboulé certains codes, et a su surprendre par rapport à nos attentes vu la carrière de son réalisateur, il en a laissé certains sur le carreau. Même s’il faut bien l’avouer, Avalon est souvent considéré comme le premier film en images réelles de Oshii Mamoru. Ce qui est faux donc ! Le monsieur ayant déjà signé des films, à la fin des années 80 et au début des années 90, que personne ne connaît. Et du coup forcément, Avalon débarque, en 2001, après Patlabor 1 et 2, et surtout après Ghost in the Shell en 1995. Et du coup, les attentes sont là. Retrouver ainsi le même univers, les mêmes thématiques, mais pas en animation, avec de vrais acteurs. Les attentes sont forcément grandes, et Oshii fait un choix osé. Plus qu’osé. À savoir bel et bien continuer ses thématiques, mais dans un univers visuellement à l’opposé de ce qu’il avait en quelque sorte fait jusque là. Ghost in the Shell mettait en avant un univers de science fiction aux détails minitieux, résolument futuriste dans son approche et son visuel. Avalon lui nous donnera une vision plus sombre du futur, les technologies sont étranges, les lieux sont délabrés, crades. Et le film fait des choix visuels qui peuvent quelque peu bousculer le spectateur, puisque si le tout est bel et bien en images réelles, le traitement des images donne immédiatement un côté factice à l’ensemble, que ce soit par ces filtres étranges sur l’image, filtres posés en post production donc, mais même par la façon dont les différents éléments à l’écran semblent séparés les uns des autres, et donc, dans la manière dont tout cela est éclairé. On a très très souvent l’impression de voir des personnages qui se détachent clairement de leur environnement, comme plus éclairés, entourés d’une légère lumière qui renforce ce côté factice.
Visuellement donc, c’est un travail de titan, qui plait ou non, mais qui a le mérite de ne jamais être gratuit, puisque comme souvent chez Oshii, la frontière entre réalité et fiction, réalité et jeu, et surtout est-ce que cela intéresse vraiment les dits joueurs, et bien tout cela est au cœur du récit, sans jamais totalement apporter de réponse clairement définie, Oshii préférant semer le doute, et surtout, nous laisser face à son œuvre, interpréter. Ce qui est très bien donc. Ces thématiques, elles parcourent toutes son œuvre, parfois avec réussite, comme ici, malgré quelques menus défauts, ou encore dans le méconnu Nowhere Girl qu’il signe en 2015, autre film en images réelles, et parfois avec maladresse, voir en se plantant totalement à mes yeux, comme en 2009 dans Assault Girls, pseudo suite à Avalon, se déroulant dans le même univers, et où cette fois-ci, les personnages ne quittaient jamais le monde virtuel. Et si vous ne me croyez pas, je vous invite à lire mon avis sur ce Assault Girls, posté il y a bien longtemps, où à vous procurer le film sorti en France et à juger par vous-mêmes, après tout la bête ne dure qu’une heure de mémoire, même s’il paraît en faire le double. Mais revenons à Avalon, ce film bien plus profond et mystérieux qu’il n’y paraît aux premiers abords. Un film souvent jugé lent et contemplatif, ce qui est le cas, et ce qui pourrait presque être la définition même du style de son réalisateur d’ailleurs. Et à ce niveau là, si le film ne perds pas de sa puissance en le revoyant 20 ans après sa sortie, il faut néanmoins avouer que quelques menus défauts et petites longueurs viennent s’inviter dans le récit. Je pense notamment à cette scène où notre héroïne, Ash (Malgorzata Foremniak), va préparer un délicieux repas pour son chien, pendant cinq bonnes minutes. Je sais bien que le film joue énormément sur la répétitivité des actions, sur Ash qui va jouer, puis prend le métro, rentre chez elle, s’occupe de son chien. Mais là, c’était un peu trop, presque comique. Et puis il y a cette fascination claire et nette pour la nourriture.
Outre la scène citée, on pourra citer la scène du repas entre deux personnages où tout à coup, le temps s’arrête, le dialogue s’arrête, et nous voilà à regarder deux personnages qui mangent, en gros plan. Ces deux moments en particulier, à la révision, me semblent donc de trop. Mais si l’on adhère au reste, on lui pardonne. Car outre son univers travaillé, ses choix tranchés comme celui de tout tourner en Pologne, avec des acteurs Polonais, et donc en Polonais, même si certains acteurs sont clairement moyens, comment ne pas citer la puissance de certaines scènes, de certaines images, les choix encore plus osés de la dernière partie du récit, ou bien entendu la sublime musique de Kawai Kenji, qui elle au moins, met tout le monde d’accord, et qui tourne de temps en temps chez moi, ce qui me donnait depuis quelques temps clairement envie de retourner dans l’univers d’Avalon. Mais pas dans celui d’Assault Girls, même si fidèle, Kawai Kenji y signe également une magnifique partition. Ce qui est amusant en tout cas, surtout avec le recul, c’est qu’Avalon débarquait en 2001, avec ses questions sur la réalité, sur la fiction, la réalité virtuelle, sur le chien (oui j’insiste), et s’amuse constamment à brouiller les pistes, ou plutôt à ouvrir nos horizons vers de nouvelles pistes, et débarquant donc deux ans après Matrix, qui été clairement bien influencé par l’œuvre d’Oshii dans l’animation. Bref, cette aventure parfois nébuleuse aux côtés de Ash, elle est souvent passionnante, à certains moments hypnotisante, et on lui pardonne ses menus défauts, qui malgré tout, ne sont pas là par maladresse, mais clairement des choix du réalisateur. Des choix osés, comme la plupart de ceux du film, qui lui donnent cette aura particulière, cette atmosphère totalement surréaliste, et qui continuent d’interroger aujourd’hui. Le genre d’œuvre qui ne laisse pas indifférent donc, et qui, que l’on adore ou déteste, a le mérite d’exister, de tenter des choses.
Les plus
Visuellement hyper intéressant
Des choix qui surprennent
La musique de Kawai Kenji
De très nombreuses pistes de lecture
Les moins
Quelques petites longueurs
Certains acteurs moyens
En bref : Avalon était important en 2001, il l’est toujours en 2021, en nous mettant devant les yeux un univers de science fiction qui brouille les frontières et les pistes, joue avec nos attentes. On peut ne pas y adhérer, mais la proposition d’Oshii Mamoru sort du lot.
Un critique qui fait plaisir, et me ramène plus de vingt ans en arrière quand je suis allé le voir au ciné.
Je l’ai revu une fois depuis, je l’ai en DVD. Je crois que je pourrais bien me laisser tenter par un revisionnage. J’ai peur d’être déçu par les défauts que tu as mentionnés et qui me reviennent en mémoire.
Il y avait quand même, comme tu le dis, l’ambition formidable d’un réalisateur adulé pour son anime techno-philosophique (un film matrice), un vrai travail d’artiste qui osait l’expérience d’un éveil à une nouvelle conscience à travers le monde virtuel. Évidemment, le fantôme de Tarkovski semble se cogner dans chaque plan, mais je trouve qu’Oshii le marie assez bien à ses propres lubies (ce chien…)
Bref, chouette chronique, et film à revoir.
Échange de bons procédés, le DVD de SUPER est posé près de ma tv pour ce soir après lecture de ton article 😉 Nous savons donc tous les deux ce qu’il nous reste à faire, même si tes souvenirs d’AVALON ont l’air plutôt solides encore aujourd’hui, niveau thématiques mais aussi dans le style.
Les défauts du film ont toujours été là en tout cas, mais le tout tient toujours très bien la route et passionne à condition d’adhérer à la proposition. Son GHOST IN THE SHELL est prévu aussi, je ne l’ai pas revu depuis sa sortie aussi. Revoir ces films précurseurs avec du recul des années après reste très intéressant en tout cas.
En ce qui me concerne, « Ghost in the shell » ne prend pas une ride. Je l’ai revu il y a quelques temps, chroniqué sur le Tour d’Ecran, et m’a foi, il m’impressionne toujours.
J’ai d’excellents souvenirs des deux GHOST IN THE SHELL, mais ce sont vraiment de très vieux souvenirs. Mais ayant les deux, une nouvelle vision s’impose évidemment. Déjà car autant le 2 m’avait subjugué visuellement, autant narrativement, il m’avait laissé sur le bas côté.
Les journées de 40h pour avoir le temps de tout voir, c’est prévu pour quand ?
Comme toi pour le 2. Justement, il était plus proche de la métaphysique de Tarkovski et j’aimerais bien le revoir aussi.
Eh oui, les journées sont trop brèves pour voir et écrire sur les films. Hier j’ai passé quasiment la journée à bosser sur « six femmes pour l’assassin ».
On se donne mutuellement envie de revoir de grands films, ça c’est cool !
Et avec tout ça, tu as tout de même trouvé le temps de poster ton article sur TOTAL RECALL ! Étonnant d’ailleurs que dans la saga dite SF de Verhoeven, c’est le seul que je n’ai pas en Blu-Ray.
Comme je t’avais dis, perso entre les films, les jeux, les écrits, les projets, et là un méga gros article que je prévois pour début Avril…. Non les journées sont vraiment trop courtes. RIen que 6h de plus par jour ce serait bien !
(SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN, que j’ai mais…… pas encore vu… Honte à moi !)
Visuellement, encore une grosse claque qui m’en a fait voir de toutes les couleurs. Bava au top.
Et puis tous les codes du giallo sont là, bien avant Argento. Et une violence assez radicale pour l’époque je trouve (1964).
Franchement, je te le conseille aussi vivement.
Ça ne m’étonne pas de Bava de toute façon. C’est OPÉRATION PEUR, que j’aime beaucoup, que j’ai enfin en HD et me ferait aussi un plaisir de revoir, pour sa maitrise gothique, son ambiance.
On en revient au même souci que d’habitude…. Il faut plus de temps !!!!
Pour moi c’est un chef d’œuvre. La répétition de certaines actions basiques ? C’est selon moi ce qui relie encore certains hommes ou femmes à la réalité, et ce qui constitue un marqueur, dans le film, permettant de mesurer à quel points ceux-ci s’en éloignent, ou pas – le chien qui finalement n’est plus là, d’un point de vue narratif c’est très important.
Grand film, dommage qu’un acteur soit un peu à côté de la plaque.
J’aime beaucoup hein, mais c’est vrai que certains éléments à la revision m’ont un peu plus sauté aux yeux. Au moins on est clairement tous d’accord pour la qualité d’interprétation variable suivant les acteurs. Et pour dire je pense que ASSAULT GIRLS après, c’était pas bon du tout haha !
Après il y a beaucoup d’éléments dans ce film qui sont, dirons nous, dans la catégorie du ressenti, et tout le monde ne le ressentira pas pareil. Je suis sûr que je montre le film par exemple à Ced, il va s’ennuyer ferme pendant tout le film (je préfère ne même pas le mettre au défi de le voir du coup).