Titre Original : Apostle
2018 – Angleterre / Etats Unis
Genre : Thriller
Durée : 2h09
Réalisation : Gareth Evans
Musique : Fajar Yusekamal et Aria Prayogi
Scénario : Gareth Evans
Avec Dan Stevens, Michael Sheen, Mark Lewis Jones, Paul Higgins, Lucy Boynton, Bill Milner, Kristine Froseth, Elen Rhys et Sharon Morgan
Synopsis : Début 1900, sur une île isolée, un vagabond a pour mission assez risquée de sauver sa sœur qui a été enlevée dans une sinistre secte religieuse.
Gareth Evans, tout le monde se demandait sur quoi il rebondirait après avoir livré en 2014 The Raid 2, que j’avais pu découvrir au cinéma avec quelques potes, dans une salle pleine de fans applaudissant après chaque combat. Car oui, on en avait vraiment pris plein la gueule, et on en redemandait. Pourtant, direct après, Evans passera par la toute petite porte, celle du sketch pour l’anthologie VHS2. Il y livrera un film de 30 minutes plein de fureur, de gore qui tâche, tout en s’attaquant au problème des sectes, le tout toujours en Indonésie et en reprenant une partie de son équipe habituelle. Sans aucun doute le plus beau morceau de l’anthologie, fou, grotesque, gore, violent, dérangeant même. Et il faut bien croire que Gareth Evans a toujours des choses à dire sur le sujet, puisque son dernier long métrage en date, distribué sur Netflix (et dans le cas de ce film, c’est encore plus triste, car sur grand écran, ça aurait tout défoncé), Apostle, renommé Le Bon Apôtre dans notre chère langue, traite encore du même sujet, les sectes, sur une île isolée au début du XXème siècle, mais avec 2h10 de durée. Ce qui peut faire peur car autant Gareth Evans déboite tout derrière la caméra niveau mise en scène et ambiance comme il l’a à chaque fois prouvé, autant derrière un clavier pour écrire un scénario, ce n’est pas son point fort. Le scénario de The Raid tenait sur un post-it, et celui de sa suite était bien plus ambitieux mais n’a pas convaincu tout le monde, et il est vrai que le scénario n’est pas la plus grande qualité du film, sans doute trop classique. Surtout que dans un film d’action, on peut presque dire que le scénario est secondaire, mais dans un thriller horrifique voulant nous immerger dans son ambiance, c’est un peu plus important. Avec tout ce préambule sur les qualités et défauts du metteur en scène, vous vous attendez à ce que Apostle vérifie cette théorie. Et c’est le cas, le scénario d’Apostle a des défauts, quelques petites longueurs, ou plutôt des égarements dans des sous intrigues pas forcément bien utiles.
Surtout que basiquement, on suit un peu le même schéma que dans le sketch de VHS 2. À savoir un inconnu qui se rend dans une secte, ici sur une île isolée, qui en apprend plus sur son leader, son fonctionnement, avant un point de rupture qui fait littéralement basculer le film du thriller au film d’horreur qui tâche. Le tout se déroule ici en 1905, ce qui met d’emblée une petite ambiance façon film noir, avec cette enquête, les petits chapeaux, et notre héros se rend sur l’île afin d’y retrouver sa sœur, kidnappée. Il va donc devoir s’infiltrer dans la secte afin d’en apprendre plus, et ce sans se faire démasquer. La première heure fonctionne en tout cas extrêmement bien. L’ambiance est rapidement posée, c’est glauque à souhait, poisseux, et si j’émettrais des doutes sur l’acteur principal, le reste du casting est convaincant, notamment Michael Sheen en chef de secte. Ça fonctionne bien, l’intrigue est simple et va à l’essentiel, quelques scènes sont bien tendues comme il faut. Ce n’est pas forcément sanglant ou horrifique, mais l’ambiance qui pèse sur les personnages et donc sur le spectateur est lourde, et la mise en scène de Gareth Evans soignée comme d’habitude, et il prouve qu’il maîtrise le domaine du thriller autant que celui du film d’action. Certains plans sont de toute beauté, le tout est toujours lisible, les éléments correctement en valeur au sein du cadre, et oui, on regrette vraiment de devoir découvrir le film chez soit sur Netflix plutôt que sur un écran de cinéma avec le son à fond sortant des enceintes pour nous engloutir dans la folie. La menace est présente, le scénario simple, les enjeux compréhensibles et les rebondissements la plupart du temps crédibles, et l’ambiance parvient à nous happer, par le traitement visuel mais aussi sonore, même si on pourra dire que le film abuse par moment des sons bien stridents. Mais comme je le disais, Apostle dure 2h10, et Evans s’égare par moment.
Son film se voit greffer quelques intrigues secondaires, quelques personnages qui prennent de l’importance au sein du récit, sans que cela ne soit toujours bien utile, et préférant reléguer par moment des éléments qui auraient mérités un peu plus d’explications au second plan. Ça ne fait clairement pas d’Apostle un mauvais film, mais ça abaisse quelque peu le verdict. On peut se dire qu’en resserrant un peu son intrigue et son propos, Apostle aurait pu être encore plus étouffant. Et puis il y a forcément cet élément, commun encore avec son sketch précédemment réalisé, et qui a divisé une bonne partie du public. À savoir donc un changement de genre, de thématiques, remplaçant l’enquête morbide par un authentique film de genre viscéral et surtout frontal, qui ne recule jamais devant la violence corporelle, devant les os brisés et la chair, de préférence meurtrie et transpercée. On retrouve bien là l’amour d’Evans pour l’ultra violence radicale tant ça va parfois loin, dans une ambiance toujours poisseuse donc. Evans en profite pour livrer quelques tableaux que Silent Hill n’aurait pas renié. Du moins le Silent Hill de la bonne époque. Et dans le fond, oui, si tout le monde n’acceptera pas ce choix, ce revirement, il faut tout de même saluer l’audace d’Evans, le fait qu’il aille toujours à fond quoi qu’il arrive dans le domaine qu’il décide d’aborder, avec sincérité et amour pour ce qu’il fait, même quand c’est un peu bancal ou trop long. Car Apostle, c’est exactement ça. Un peu bancal par moment, trop long certainement, mais honnête, maitrisé techniquement, viscéral parfois, oppressant même. Et donc forcément, je le conseille, mais pas aux âmes sensibles.
Les plus
Techniquement irréprochable
Une première heure bien prenante
L’ambiance, sale, viscérale
Des moments violents archi violents
Les moins
Un propos un peu étiré ?
Quelques égarements dans des sous intrigues
En bref : Apostle n’est pas parfait, clairement. Un poil trop long, quelques éléments peu voire pas expliqués, un changement de genre qui ne plaira pas à tous. Mais la proposition de Gareth Evans est également maitrisée, par moment suffoquant, ultra violente, et le verdict général est positif.
A FEW WORDS IN ENGLISH | |
THE GOOD | THE BAD |
♥ Technically flawless ♥ A gripping first hour ♥ The atmosphere, dirty, visceral ♥ Extremely violent scenes |
⊗ A bit too long? ⊗ Maybe too many subplots |
Apostle is not perfect, clearly. A bit too long, a few elements not totally clear or explained, a change of genre midway not for everyone. But the film proposed by Gareth Evans is a strong one, well done, suffocating, very violent, and it’s finally a positive experience. |
Je découvre qu’un inédit de Garet Evans est sur N. Je m’empresse de l’ajouter à la liste.
Ceci dit, j’ai effectivement, comme toi, un peu de mal avec l’écriture plutôt simpliste du bonhomme, qu’il compense avec son énergique mise en scène et un sens inné des plans qui cognent. Est-ce que cela suffit quand on sort du film d’action ? J’avoue que ton article tempère mes ardeurs.
Ah mais comme je le dis également, et c’est tout con, mais je suis sûr et certain que si je l’avais découvert sur grand écran, le film aurait été meilleur (plus percutant encore), et du coup un point de plus cash. Car tu le dis toi-même, mais l’énergie du film, les plans, tout ça aurait dû se voir au cinéma pour en prendre plein les yeux. Et les oreilles car il y a aussi un travail minutieux sur le son. J’attend avec impatience ta séance de rattrapage et le futur article sur ton site pour voir ton retour dessus.
J’ai prévu de me faire une Blonde avant. 😉
Deux films visuellement ambitieux, deux films durs émotionnellement malgré des genres opposés, et deux films que j’adore, bon choix !
J’ai vraiment bien aimé ce film. Mais c’est peut-être aussi parce que je trouve, comme toi (?) que les films bancals ont aussi un charme fou.
Surtout que là, c’est bancal parfois mais car le réalisateur y va à fond car il y croit, et donc ça n’a pas de prix ça. C’est un film honnête, le réalisateur ne se retient pas du tout.