SILENT NIGHT de John Woo (2023)

SILENT NIGHT

Titre Original : Silent Night
2023 – Etats Unis
Genre : Woo is back
Durée : 1h44
Réalisation : John Woo
Musique : Marco Beltrami
Scénario : Robert Archer Lynn

Avec Joel Kinnaman, Kid Cudi, Harold Torres, Catalina Santino Moreno, Hanamura Yoko, Valeria Santaella, Vinny O’Brien et Acoyani Chacon

Synopsis : La veille de Noël, un père endeuillé met en œuvre sa vengeance tant attendue contre un gang impitoyable.

Depuis 10 ans, John Woo se fait rare, et ses films moins marquants. Son précédent, Manhunt, c’était même compliqué. Pas vraiment bon, mais faisant, parfois, plaisir aux fans de la première heure en blindant le tout de ses tics. Jusqu’à virer à l’autodérision certes, ce qui est un gros souci en soit. Mais voilà, John Woo n’a pas pour autant dit son dernier mot, et le bougre, il revient, avec Silent Night fin 2023, et un remake de The Killer auquel personne ne croit pour bientôt. Car oui, faire un remake de The Killer, film culte (et génial) avec Omar Sy dans l’un des deux rôles principaux, et bien, tout de suite, c’est moins vendeur. Mais nous n’y sommes pas encore, il y a Silent Night avant, débarquant pile comme il faut pour les fêtes de fin d’année 2023. Est-ce enfin un vrai bon film ? Eh bien, c’est compliqué aussi. Mais pour les raisons opposées à Manhunt. Manhunt était dans un sens sincère, simple, attachant dans sa naïveté, involontairement drôle. Silent Night en est l’opposé, souvent, beaucoup de choses paraissent bien forcées, ses quelques élans de naïveté sont loin d’être attachants, le style de Woo est quasiment absent du métrage. Pas de ralentis, de poses ultra stylisées. Mais une violence belle et bien présente oui. L’histoire, elle est simple, tient sur un timbre-poste, et on la connait déjà. Un père de famille va se venger après la mort de son fils. Un grand classique dans le revenge movie, qui parfois, peut encore faire des miracles, comme il y a quelques années avec Death Sentence, signé James Wan, avec Kevin Bacon. Film avec lequel Silent Night partage de nombreuses choses, sans jouer cependant dans la même cour, et son argument principal, il est un peu étrange, et bancal, à savoir que le film est dénué de dialogues. Une fausse bonne idée en soit.

Bonne idée car cela permet en effet au réalisateur de raconter son film par le visuel, par sa mise en scène, et donc, de montrer que oui, un réalisateur, c’est aussi important qu’un scénariste sur un projet cinématographique. Fausse bonne idée car en réalité, John Woo se prend parfois un peu les pieds dans le tapis, et n’évite jamais les pièges de ce procédé. Faire un film sans dialogues, c’est bien, certains s’y sont déjà essayés encore récemment. On se souvient par exemple de Moebius signé Kim Ki-Duk, film assez mal aimé de sa filmographie car justement, poussant jusqu’à ses derniers retranchements son style épuré et dénué de dialogues. Mais Kim Ki-Duk jouait le jeu, quitte à se faire détester. Le son était ainsi épuré également. Sauf que dans Silent Night, John Woo n’arrive jamais pleinement à raconter son intrigue, pourtant simpliste, sans trahir son procédé. Ainsi, parfois, les personnages écoutent la radio, où, entre deux chansons, quelqu’un parlera, pour donner du contexte à l’intrigue. Ou encore ce moment où notre héros vengeur écoute la radio de la police, et donc, des personnages parler. Rapidement donc, le gimmick du film tombe à l’eau. Dommage. Car Joel Kinnaman (Suicide Squad, Sympathy for the Devil), notre homme revanchard, n’est pas un mauvais acteur, mais on a presque l’impression que le scénariste et son réalisateur n’ont pas assez confiance en lui pour le laisser porter le peu d’intrigue du film. Car Silent Night, c’est simple. Un gang tue par accident le fils de notre héros, qui en voulant justice, se prend une balle dans la gorge, et va alors, une fois remit sur pieds, s’entrainer et préparer sa sanglante vengeance. Une intrigue très simple légèrement étirée.

Pourtant, par moment, Silent Night tire son épingle du jeu. Lorsqu’il évite la niaiserie, 90% du temps (les 10% restants ont notamment lieux lors du final). Et surtout, lorsqu’il se lâche dans la violence. Là, sans atteindre pourtant le génie de John Woo lors de ses meilleures années, et bien ça fonctionne, c’est très violent, souvent radical, pas trop mal filmé (un passage dans une cage d’escaliers ferait rougir le dernier James Bond). On en viendrait presque à espérer que l’ensemble du film soit de cet acabit-là tant là, Silent Night, tout en ne contenant quasiment pas le style de Woo, fonctionne et délivre en réalité exactement ce que l’on attendait de lui. Car oui, ici, la stylisation, les ralentis, il n’y en a quasiment pas. Ce qui donne l’étrange impression de voir un film totalement impersonnel, classique, qui aurait pu, en réalité, être réalisé par quelqu’un d’autre. Ce qui est du coup un sacré paradoxe. Car dans le fond, sans renouveler le genre, sans même être un grand film, Silent Night est un film, objectivement, meilleur que Manhunt. Alors que l’un respire le style John Woo à chaque seconde, et l’autre absolument pas. Au final, qu’importe. Évidemment, Silent Night va se faire descendre, par les fans qui n’auront pas vraiment ce qu’ils voulaient, et par les critiques face à un film violent, bancal, qui va presque au bout de ses idées. Pour ma part, j’ai eu en quelque sorte ce que j’attendais, et si c’est bancal, si je ne le reverrais sans doute jamais, ça m’a donné sur le moment ce qu’il fallait pour passer un bon moment.