Titre original : Shin Jingi No Hakaba – 新・仁義の墓場
2002 – Japon
Genre: Policier
Durée : 2h11
Réalisation : Miike Takashi
Musique : Endô Kôji
Scénario : Takechi Shinegori
Avec Kishitani Goro, Arimori Narumi, Honda Yoshiyuki, Inoue Harumi, Ishibashi Renji et Miki Ryosuke
Synopsis: Ishimatsu est plongeur dans un restaurant où il gagne sa vie comme il peut. C’est là qu’une altercation entre groupes criminels l’amène, soudain, à sauver la vie d’un des grands patrons de la mafia japonaise, les fameux yakuzas. Pour ce geste, il se fait grassement remercier par l’entremise d’une introduction en règle au monde du crime, donc aussi à celui de l’argent, du sexe et de la drogue. Ishimatsu grimpe les échelons, ses actes meurtriers en faisant un yakusa particulièrement craint dans le milieu. Mais sa tendance à la violence et la rage psychotique qui l’habite vont aussi lui poser rapidement de sérieux problèmes. Ainsi, au fur et à mesure de sa courte carrière, il se brûlera en n’ayant de cesse de se mettre à dos ceux qui l’entourent. Le pire l’attend, lorsque, suite à un malentendu, il tirera sur son boss.
Graveyard of honor est un film bien connu, puisqu’il s’agît d’un film de Fukasaku Kinji (que la nouvelle génération connaît bien mieux pour être le réalisateur de Battle Royale) réalisé en 1975. En 2002, c’est Miike Takashi qui se lance dans un remake de ce film culte, bien avant qu’il ne soit dans la spirale des remakes aujourd’hui. Encore une fois, certains de ces détracteurs trouveront de quoi jeter encore sur le feu, tandis que les autres seront probablement aux anges, malgré quelques longueurs par ci par là, mais il faut dire que le métrage dure tout de même 2h08 et s’étire parfois. Miike commence son film par la fin. Ishimatsu est en prison et parvient à sortir en blessant un gardien. En hauteur, il contemple la prison, sans tenter de sortir de l’enceinte même, vêtu d’un drap, lui donnant des ailes au souffle du vent (image pouvant pendant quelques instants rappeler Bird People in China). Retour quelques années en arrière. Ishimatsu gagne tout simplement sa vie dans un petit restaurant où se réunissent souvent les yakuza de la ville. Lors d’un carnage, il sauve la vie au chef d’un clan, et se fait alors inviter dans son clan. Ce qui ne plaira pas à tout le monde, vu les privilèges qui lui sont accordés dés son jeune âge. Immédiatement, Miike nous montre son personnage principal comme un anti-héros, qui aime la violence et vit pour la violence. Ainsi, celle qui lui servira de femme ne sera qu’une serveuse dans un bar qu’il invitera au karaoké pour la violer. Sympathique. Les choses vont bouger pour Ishimatsu lorsqu’il ira en prison une première fois, pour avoir tué sauvagement un yakuza à coup de couteau. Etrangement, malgré tout ce qu’il lui a fait endurer, sa femme reste présente pour lui, et attendra sagement sa sortie de prison. C’est là que le premier tournant de sa vie va s’effectuer, lorsqu’il va rencontrer en prison un frère spirituel, chef d’un autre puissant clan de yakuza.
Sa sortie de prison ne s’effectuera que 5 ans plus tard, mais sa vie va littéralement changer. Toujours aussi fou et fonçant tête baissée dans les problèmes, c’est suite à un petit malentendu qu’il va tirer sur son boss, alors qu’en réalité, celui ci s’était juste absenté pendant deux heures, le temps d’aller au dentiste. C’est à ce moment là que ne pouvant compter que sur son frère, il va perdre le peu d’humanité qu’il avait en lui. Forcé de sa cacher en permanence, l’intégralité des yakuza voulant sa mort, il restera enfermé dans un tout petit appartement avec sa femme, et va commencer progressivement à se dégrader, et plus personne ne pourra rien pour lui. Police et yakuza sont après lui, et ne trouvant aucun échappatoire, il va s’engouffrer dans un chemin encore plus dur, celui de la drogue, et va perdre totalement le sens des réalités. De nombreuses scènes le montreront ouvertement, Ishimatsu est seul, et se fait chier. Dans sa tête, il est encore plus seul, personne ne fait rien pour lui, il est enfermé comme un rat, et son seul recours pour vivre un tant soit peu le bonheur est la drogue et le sexe. Miike nous dépeint là un personnage déprimé et haut en couleur, qui ne sait absolument pas où il en est, vivant une très lente descente aux enfers, parfois aussi désagréable pour lui qu’elle peut l’être pour le spectateur. Car rapidement, ce qui marque dans le métrage, c’est le manque d’humanité général. Les seuls personnages inspirant confiance et nous sortant quelque peu de ce monde violent et cruel sont le frère de Ishimatsu et sa femme. Femme qu’il finira par droguer également, et qui va devenir fortement dépendante, tandis qu’il finira par se rebeller contre son frère (l’excellent Miki Ryosuke, que l’on a pu voir également dans Agitator, The Man in White ou Deadly Outlaw Rekka, autant de films à la fois réalisés par Miike et écrit par Takechi Shinegori), encore une fois après un malentendu, nous montrant encore une fois son caractère violent et précipité.
Le parcours de Ishimatsu sera jonché de cadavres en tout genre, de drogue, de sexe, et finalement, d’absence de vie, ne pouvant s’arrêter de causer la mort partout où il passe, étant impossible de mourir lui même. Enfin en apparence, car comme dit dans le métrage, son âme, elle, l’est depuis bien longtemps. Ainsi, malgré de très nombreuses tentatives de meurtres, empoissonnements, impacts de balles, des allers et retours en prison, Ishimatsu reste là, debout, obligé de continuer à subir son calvaire, celui qu’il a créé de toute pièce et qui a prit tellement d’ampleur qu’il n’arrive même plus à le gérer, tout comme la haine à l’intérieur de lui, haine inutile puisque basée sur des non-sens et des ragots déformant la réalité. En ce sens, malgré quelques longueurs, cette nouvelle version de Graveyard of Honor s’en sort avec les honneurs, tant dans sa mise en scène plutôt posée que dans la description limite malsaine de son personnage principal. Le scénario ira à fond dans cette direction et se révélera incroyablement pessimiste, même si on notera quelques passages relativement surréalistes (l’arrestation de Ishimatsu par la police), en faisant un film à ne pas mettre entre toutes les mains, éliminant au fur et à mesure du récit toutes les marques d’humanité possible pour se focaliser sur le noir chemin de notre héros. Un Miike donc différent, pas à classer dans ses meilleurs, mais restant une œuvre intéressante sur plus d’un point, et nous permettant de retrouver une nouvelle fois des acteurs habitués de son cinéma.
Les plus
Intéressant en tout point
Des personnages bien travaillés
Un film très pessimiste
Les moins
Quelques petites longueurs
En bref : Un remake intéressant, mais incroyablement sombre et pessimiste, aussi violent que posé, nous proposant de suivre la lente déchéance d’un yakuza un peu délaissé et à côté de la plaque.