Titre original : 3-Iron – Bin-Jip – 빈집
2004 – Corée du Sud
Genre : Drame
Durée : 1h28
Réalisation : Kim Ki-Duk
Musique : Sivian
Scénario : Kim Ki-Duk
Avec Lee Seung-Yeon, Lee Hyun-Kyoon, Kwon Hyuk-Ho, Ju Jin-Mo, Choi Jeong-Ho et Lee Mi-Suk
Synopsis : Tae-Suk est un jeune homme sans domicile, qui scotche des prospectus aux portes des maisons et appartements afin de repérer les logements qui sont vides. Quand il en trouve, il s’y installe, non pas pour voler, mais y vivre, faire des réparations, le linge. Un jour, il rencontre Sun-Hwa dans une maison qui n’est finalement pas vide. Sun-Hwa, violentée par son mari, va suivre Tae-Suk.
Le cinéma de Kim Ki-Duk n’est pas forcément facile d’accès. Rythme lent, personnages peu bavards, mais la réalisation millimétrée, les émotions ainsi que les thèmes abordés, et sa réflexion sur la violence et la solitude sont intéressantes et rendent son œuvre passionnante. Arrivant après le plus commercial (disons plus accessible) et posé Printemps, été, automne, hiver… et printemps, Locataires nous propose de suivre les errances de Tae-Suk, un jeune homme bien particulier qui ne parle pas, et se rend chez les gens absents pour tout simplement y vivre durant leur absence, et mettre de l’ordre dans leur habitation. Il ne vole jamais rien, et à chaque lieu, prend une photo comme souvenir. Il finira lors de ses différentes aventures par croiser une jeune femme dont la vie de couple ne fonctionne plus, et la jeune femme va le suivre alors dans ses aventures. Écrit rapidement, tourné en deux semaines et monté en dix jours, Locataires est un grand film dont il se dégage assez rapidement une sorte de douceur et où la violence est contenue la plupart du temps, voir tout le temps, comparé à un film comme L’île que Kim Ki-Duk avait signé quatre ans plus tôt. Toute la première partie du récit, extrêmement lente, voir volontairement simpliste, reste terre à terre. Nous suivons réellement l’errance de Tae-Suk seul, puis accompagné de Sun-Hwa, de maison en maison, d’appartement en appartement. Ensembles, ils ne parlent jamais, et dans l’ensemble du métrage, le nombre de dialogue ne doit pas excéder les 20 lignes.
Scénario épuré, dialogues épurés également, on pourra dire la même chose de la mise en scène de Kim Ki-Duk, incroyablement calme et posée. Épurée également, oui, encore une fois. Le metteur en scène Coréen nous invite tout simplement à un voyage, il nous invite aux côtés de ses deux personnages principaux à passer de maison en maison, silencieusement, dans le silence quasi absolu, pour imaginer le passé et la vie de ses vrais occupants. Mais pas seulement bien entendu, Locataires nous invite également en suivant ses deux personnages à vivre avec eux cette histoire d’amour platonique et touchante, pleine de douceur, silencieuse, comme pour ne pas poser de mots sur le ressenti des personnages, mais juste les laisser s’exprimer, par leurs regards, leurs gestuelles. Pari réussi tant l’ensemble passe comme une lettre à la poste. Le personnage principal ne dira pas un seul mot de tout le métrage, tandis que son « amante » qui le rejoindra en cours de route pour ses aventures ne dira quasiment rien. Entre ses silences et sa lenteur, Kim Ki-Duk parvient néanmoins le tour de force de faire avec simplicité un film passionnant et plus profond qu’il n’en a l’air, sans jamais ennuyer.
La dernière partie du métrage elle prend plus de liberté, et se fait, dans le fond, un poil plus « fantastique » que le reste, plus proche du rêve éveillé, sans pour autant ne pas coller avec tout ce qui précédait, loin de là. Toujours avec un regard assez tendre sur ces personnages, Kim Ki-Duk filme son dénouement de sublime manière, nous faisant penser qu’après tout, toute cette histoire n’était que l’histoire de Sun-Hwa, femme brisée qui va se reconstruire petit à petit grâce au contact de Tae-Suk, et non l’histoire de Tae-Suk qui amènera Sun-Hwa avec lui pour la sauver, voir la venger des violences qu’elle pouvait subir. La scène finale va une nouvelle fois dans ce sens, en se voulant belle, mais également assez troublante. Bien entendu, il ne s’agît pas là du meilleur métrage du cinéaste Coréen, nous sommes loin de joyaux tels que L’île, mais Kim Ki-Duk continuait son exploration d’un cinéma complexe, en apparence extrêmement simple.
Les plus
Simple et épuré
Deux beaux portraits et deux grands acteurs
De l’émotion
Les moins
Pas le meilleur de son auteur
Trop lent et contemplatif pour certains
En bref : Locataires se rapproche par certains aspects de L’île sans jamais en atteindre la même portée, mais reste un très bon Kim Ki-Duk, avec ses silences, métaphores et beaux moments.