BLUE VELVET de David Lynch (1986)

BLUE VELVET

1986 – Etats Unis
Genre : Drame
Durée : 2h
Réalisation: David Lynch
Musique : Angelo Badalamenti
Scénario : David Lynch
Avec Kyle MacLachlan, Laura Dern, Isabelle Rossellini, Dennis Hopper et Dean Stockwell

Synopsis : Le père de Jeffrey Beaumont a eu une attaque et se retrouve à l’hôpital. Jeffrey vient lui rendre visite, et en rentrant chez lui, il trouve une oreille coupée dans un champ. Il l’apporte à l’inspecteur Williams, un ami de son père, et obtient des informations sur l’avancement de l’enquête grâce à sa fille, Sandy. Une certaine chanteuse, Dorothy Vallens, serait mêlée à cette histoire. Jeffrey va s’infiltrer chez elle et, enfermé dans son placard, va être le témoin d’une histoire qui le dépasse.

C’est un monde étrange n’est ce pas ? Cette petite phrase, toute simple, colle parfaitement à l’univers que Lynch aura créé tout le long de sa carrière. Au fur et à mesure des différents films de sa filmographie, il n’aura cessé d’explorer des mondes étranges qui échappent à toute classification ou explication, et qui se révèle être finalement caché sous la surface apparemment normale, innocente et calme des choses. Après l’échec commercial et pour beaucoup artistique de Dune en 1984, Lynch est dégoûté des films de studio et cherchera à faire Blue Velvet, mais toujours auprès de Dino De Laurentiis. Le projet se fera à condition que Lynch ait une liberté totale, le droit au montage final. En contrepartie, Lynch aura des contraintes, qui seront d’ordre budgétaire (5 millions de dollars), de durée (pas plus de deux heures de film) et également au niveau de son salaire. Peu importe, Lynch avec sa liberté totale a toutes les cartes en main pour faire le film qu’il veut, et c’est ainsi que débuta l’aventure de Blue Velvet, à partir de trois idées. La première étant la chanson de Bobby Vinton, la seconde une oreille coupée, et la dernière celle d’espionner une femme dans son appartement durant toute la nuit. C’est à partir de ces différents éléments qu’il va pouvoir broder l’histoire du métrage. Si le point de départ d’espionner une femme chez elle est une idée de voyeur qui pourrait ramener à Body double de Brian De Palma, Lynch s’en éloigne très rapidement, préférant revenir aux univers sombre qu’il met souvent en scène, et qu’il avait mis de côté après avoir fait son premier métrage, Eraserhead, pour faire deux films de studio, Elephant man et Dune donc. Ici, Lynch s’intéresse donc à l’amour, et au tiraillement entre l’amour que beaucoup recherchent, fait de tendresse, d’affection, de bons sentiments, et celui qui parfois attire, plus mystérieux, envoûtant, mais également dangereux. Blue velvet, outre une intrigue policière et le goût pour le mystère de Jeffrey, joué encore une fois par Kyle MacLachlan après Dune, et avant le rôle de sa vie dans la série Twin Peaks (on l’aura vu récemment dans la série Desperate housewives), traite donc des tiraillements de Jeffrey entre la partie sombre et la partie claire, entre le bien et le mal, la facilité et le danger.

Dés les premières minutes, après avoir posé les bases du film et même son thème via un astucieux mouvement de caméra (qui plonge dans l’herbe pour nous faire découvrir la vermine qui est sous nos pieds, le monde sombre caché sous un monde à belle apparence), Jeffrey trouvera l’objet qui lui permettra de franchir la limite entre ces deux mondes, chose récurrente dans le cinéma de Lynch (il y avait la boite bleue dans Mulholland Drive par exemple). L’oreille coupée que Jeffrey va trouver dans un champ sera l’élément déclencheur de tous ces problèmes, puisque le jeune homme est en effet bien trop curieux, comme finalement beaucoup d’entre nous, et va décider de mener sa propre enquête. C’est de la faute à Sandy, la fille de l’inspecteur Williams, qui va déclencher le reste de l’histoire. Laura Dern joue Sandy, et c’est son premier grand rôle au ciné, avant de retrouver Lynch pour Sailor et Lula en 1990 et dans le fameux INLAND EMPIRE en 2007, où elle trouve son meilleur rôle. Ici, elle joue la blonde un peu jeune et niaise, vous l’aurez comprit, pour la partie claire et lumineuse. Pour le côté mystérieux, Lynch choisit l’actrice Isabelle Rossellini, qu’il retrouvera également dans Sailor et Lula. Kyle MacLachlan se retrouve le jour du bon côté, avec Sandy, qui sort déjà avec Mike, et qui va craquer rapidement pour lui, et la nuit, il ira retrouver Dorothy dans son appartement. En suivant le chemin de Dorothy par curiosité (ou perversité, lui même l’ignore et le dit clairement à Sandy lorsqu’il s’infiltrera pour la première fois dans son appartement), Jeffrey va totalement plonger dans un monde qui n’est pas le sien, un monde de sexe, viol, drogue. Il va plonger dans ce monde totalement différent par accident. En menant sa propre petite enquête sur l’oreille coupée qu’il a trouvée dans un champ, il va s’infiltrer de nuit dans l’appartement de Dorothy, et l’arrivée de celle ci va le forcer à sa cacher dans le placard, où il va assister à quelque chose qu’il n’attendait pas, en restant en position de voyeur. C’est ainsi qu’il fera la connaissance de Frank Booth, joué par un Dennis Hopper en grande forme.

D’un côté, nous avons donc Dorothy Vallens et Frank, personnage tordu, drogué à l’oxygène, qui n’hésite pas à violer Dorothy, et de l’autre, la niaiserie volontaire de Sandy, comme lorsqu’elle racontera son rêve en face de l’église à Jeffrey, avec la musique Mystery of love en fond sonore, en version instrumentale. Blue Velvet marque d’ailleurs la première d’une longue collaboration entre Lynch et le compositeur Angelo Badalamenti (tous ces films excepté INLAND EMPIRE), et sa première collaboration avec la chanteuse Julee Cruise, que l’on pourra encore entendre dans Twin Peaks, série et film. Le film contiendra ainsi plusieurs touches de niaiserie volontaire, comme pour désamorcer l’aspect sombre et cruel du métrage et de son histoire, mais cela ne gêne jamais véritablement, comme si la magie Lynch faisait effet. On y retrouve à ce titre un point commun avec la plupart des œuvres ultérieures de Lynch, avec cette histoire d’amour qui fera tout basculer. Ce sera également le cas dans Twin Peaks, avec les histoires d’amour de Laura Palmer, la passion entre Sailor et Lula, ou de Lost highway, Mulholland Drive et INLAND EMPIRE. Chaque Lynch contient son histoire d’amour, et son élément qui vient mettre en péril nos acquis par rapport à l’amour. Blue Velvet ne constitue à ce titre pas le meilleur métrage du metteur en scène, mais reste un de ses plus faciles d’accès, et constitue un grand tournant dans sa carrière, lui permettant d’aborder comme il le souhaite des thèmes qu’il aura le loisir d’approfondir par la suite. La musique de Badalamenti prend parfois de grandes envolées (comme lors de la première apparition de Sandy), mais s’accorde en général parfaitement avec l’univers que Lynch a su créer sur le métrage, et malgré un rythme lent (mais pas long), on reste scotché devant notre écran jusqu’à la dernière image. Une belle leçon de cinéma, et surtout une belle façon pour Lynch de se refaire une santé.

Les plus
L’univers du film
Dennis Hopper
Lynch après deux films de commande revient à un univers personnel et sombre
Les moins
Laura Dern un peu trop niaise, et encore

En bref : Lynch revient après Dune avec un contrôle total de son œuvre. Blue Velvet est sombre, les thèmes de son auteur explosent à l’écran, et même si Lynch fera mieux par la suite, Blue Velvet reste une pièce maîtresse de son œuvre.

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