HARA-KIRI – MORT D’UN SAMOURAÏ
Titre original : Ichimei – 一命
2011 – Japon
Genre : Drame
Durée : 2h08
Réalisation : Miike Takashi
Musique : Sakamoto Ryuichi
Scénario : Yamagishi Kikumi
Avec Ichikawa Ebizô, Eita, Mitsushima Hikari et Yasusho Kôji
Synopsis: Dans les années 1600, Hanshirô se présente au chef de clan Li pour mourir dignement en effectuant le suicide rituel. Kageyu, le chef du clan, se méfie suite à plusieurs fausses requêtes et raconte à Hanshirô l’histoire du dernier samouraï, Motome, venu faire cette requête. A son tour, Hanshirô raconte l’histoire de Motome, en réalité son fils.
Miike Takashi semble trouver un nouveau souffle dans sa carrière, en changeant ses genres et son rythme de croisière. Après beaucoup de ratages ces cinq dernières années (Detective Story, Crows Zero, Yatterman, pour citer les pires), Miike semble trouver un second souffle dans… les remakes des classiques Japonais des années 60. Après son excellent 13 Assassins l’année dernière (à côté d’un Zebraman 2 très souvent détesté), Miike revient avec le remake de Hara-Kiri, et en 3D s’il vous plait (sauf en France, le distributeur n’ayant pas jugé nécessaire de s’attarder dessus)… N’ayant pas vu (honte, je sais) le film original, mon avis ne s’attardera que sur le film en question. Quand on connaît bien Miike (j’ai quasi tout vu de lui), on s’attend forcément à du sang, du sexe, de la violence en veux tu en voilà et des délires en tout genre. Et parfois, il nous surprend avec quelques films beaucoup plus calmes (Bird People in China) par exemple. Hara-Kiri est le genre de film qui nous surprend. Au lieu de nous offrir un remake boosté avec des litres et des litres de sang, Miike nous livre une superbe mise en scène, classe, et un récit prenant tout son temps pour mieux développer ses personnages et ses thèmes.
Et dans ce sens, c’est un pari réussi. Hara-Kiri prend vraiment son temps, pour poser son ambiance, et ça fonctionne. Les premiers plans sur des décors vides n’annoncent que du bon, tant Miike fait preuve d’un grand sérieux dans sa mise en image, et qu’il a su s’accompagner d’une équipe technique irréprochable. On n’en saura pas plus sur la 3D, mais les plans font preuve d’une bonne profondeur de champs censé augmenter l’immersion du spectateur. De plus, aidant grandement à l’ambiance et à l’immersion, Miike a fait appel à Sakamoto Ryuichi pour la bande son. Auteur de plusieurs scores cultes, que ce soit pour le cinéma Japonais ou Américain, il livre ici un score accompagnant à merveille les images, et la détresse des personnages. Car finalement, oui, Hara-Kiri, ce n’est qu’un drame, une histoire simpliste en forme de flashback nous montrant la pauvreté de certaines classes à cette époque, ainsi que critiquant le code de vie des samouraïs. Composé de deux gros flashback, l’un raconté par Kageyu (Yakusho Kôji, déjà présent dans 13 Assassins, ici imposant, avec son pas lourd lorsqu’il marche), durant bien 25 minutes, et le second raconté par Hanshirô (Ichikawa Ebizô, acteur de kabuki à la base), durant une bonne heure. Miike se concentre totalement sur ses histoires, laissant toute la violence qu’il met habituellement en scène de côté. Pourtant, la violence sera belle et bien présente dans Hara-Kiri, mais plus suggérée, pour la rendre plus forte. Il faut voir pour cela le premier flashback raconté par Kageyu pour s’en rendre compte. Quand Kageyu raconte le sort de Motome à Hanshirô, Miike n’hésite pas à étirer ses plans et à montrer tout le sadisme et la détermination de ces personnages pour rendre sa scène « insoutenable ». Et ce qui la rend insoutenable finalement, c’est le côté totalement réaliste (mais finalement suggéré) de la violence, lorsque Motome doit finalement mettre fin à ses jours lors du rituel, avec un sabre de bambou.
Quand le film rentre enfin dans sa grande partie, le long flashback raconté par Hanshirô, Miike laisse tout ça de côté pour se focaliser finalement sur un drame, voir un mélodrame familial. Conservant son rythme lent et ses couleurs assez froides, cette partie enchaîne pourtant les situations plus dramatiques les unes que les autres pour nous donner un aperçu plutôt pessimiste de ses personnages. Et ça fonctionne, notamment car Miike s’est entouré de grands acteurs. On reconnaîtra notamment Mitsushima Hikari (Love Exposure, Sawako Decides) dans le rôle de la fille de Hanshirô, et comme elle nous y a souvent habitué, elle joue à la perfection. Ses larmes lors des scènes dramatiques pourront facilement nous faire pleurer également. Ichikawa Ebizô, s’il aura tendance, dans les scènes dramatiques, à surjouer un poil, s’en sortira pourtant également avec les honneurs. Souffrant pourtant de quelques longueurs (le film fait 2h05), Miike ne pouvait pas en faire autrement avec cette histoire, et nous montre finalement avec habilité l’inhumanité du monde qu’il décrit, un monde frappé par l’injustice, la maladie, le code d’honneur. Bien entendu, on pourrait critiquer la façon dont le film plonge dans le mélodrame en l’appuyant au maximum par moment, mais dans son ensemble, le film s’avère cohérent et surtout fait preuve d’un sérieux et d’une réelle maîtrise à tous les niveaux.
Miike livre donc une œuvre différente de ce qu’il a l’habitude de nous donner en s’attaquant à ce remake d’un film culte, mais encore une fois, n’ayant pas vu l’original, je ne pourrais justifier ou non l’utilité d’un tel remake. Toujours est-il qu’en tant que film, Hara-Kiri est un beau morceau de cinéma en proposant une réflexion universelle sur le drame humain et les traditions. Autour de ce drame humain, finalement, le métrage nous parle plutôt du combat entre deux points de vue, deux idéologies, l’une se basant sur le respect du code d’honneur avant tout, l’autre étant bien plus humain. Pour ceux ayant vu le film original, le film de Miike sera sans doute juste une curiosité, pour les autres, ce sera un film intéressant, parfois troublant, et à la plastique parfaite, remplit de poésie (les nombreux plans sur la nature, ou ceux mettant en valeur les traditions). Un film qu’il est d’ailleurs très étonnant d’avoir vu débarquer en salle malgré son passage au festival de Cannes quand on sait que la plupart des films de Miike débarque directement en DVD chez nous (13 Assassins), ou restent inédits (les géniaux Big Bang Love Juvenile A ou Scars of the Sun).
Les plus
Mise en scène classe
Superbe score de Sakamoto Ryuichi
Acteurs dans le bon ton
Les moins
Ichikawa Ebizô parfois trop théâtral
Lenteur du récit qui ne plaira pas à tous
En bref : Miike livre un film sensible, peut être un poil trop long et appuyant souvent ses effets dramatiques, mais réussi. La mise en scène et la musique y sont superbes.