Titre original : Ai No Mukidashi – 愛のむきだし
2008 – Japon
Genre : Drame
Durée : 3h57
Réalisation : Sono Sion
Musique : Yura Yura Teikoku
Scénario : Sono Sion
Avec Nishijima Takashiro, Mitsushima Hikari, Andô Sakura, Watanabe Makiko et Watanabe Atsuro
Synopsis : Yu est un fils modèle, qui ne fait jamais rien de mal. Sa mère meurt quand il est jeune, et son père décide de devenir prêtre et rejoint l’église catholique. Tout bascule lorsque son père rencontre Kaori et en tombe amoureux. Kaori le quitte après trois mois et le père se métamorphose, faisant souffrir son fils et le forçant jour après jour à se confesser… sauf qu’il n’a rien à confesser. Yu va d’abord inventer, puis comme pour faire plaisir à son père, faire tout son possible pour pécher. Mais sa vie ainsi que celle de son père va basculer avec l’irruption dans leur vie de la belle Yoko, enfant victime des assauts de son père, et Aya, travaillant pour une secte, l’église Zéro.
Parmi les réalisateurs japonais les plus adulés et les plus talentueux, il y a les connus, que tout le monde connaît au moins de nom, comme Tsukamoto Shinya, Miike Takashi et Kitano Takeshi. Et il y a les autres, connus par les grands cinéphiles et dont chaque nouveau film est attendu avec impatience. Sono Sion fait parti de ces cinéastes là. Remarqué en 2002 par son surprenant et troublant Suicide Club, bien qu’imparfait. Arriva ensuite le chef d’œuvre Noriko’s Dinner Table, fausse suite/préquelle de Suicide Club, l’étrange et très visuel Strange Circus, le sympathique Exte où Sono met son style personnel dans une histoire de J-horror. Et en 2008 débarquait au Japon Love Exposure, toujours inédit en France. Une œuvre maîtresse, une œuvre importante et vaste, gigantesque. En réalité, le second chef d’œuvre de Sion Sono, suivi peu de temps après par Cold Fish, produit par Sushi Typhoon, qui fait le tour des festivals (dont l’étrange festival ce mois de Septembre). Love Exposure reste étonnement méconnu, et conserve tous les thèmes chers à son auteur, tout en les étirant avec bonheur et talent sur la durée de 3h57. Car oui, Love Exposure dure près de 4h. Mais contrairement à beaucoup de films dépassant les 2h30 et possédant toujours des petites baisses de rythme ou autre, Love Exposure parvient grâce à plusieurs choses à ne jamais ennuyer. En effet, déjà scénaristiquement, il se passe tellement de choses, il y a tellement de situations différentes et de thèmes abordés que l’on ne peut s’ennuyer. La mise en scène est dans ce sens aussi, variée, dynamique, se renouvelant sans arrêt en utilisant divers artifices, si bien que l’ensemble est fluide sur toute la durée. Et encore mieux, Sono Sion nous propose des personnages tout simplement savoureux et extrêmement attachants. La formule clé pour un film réussi, ce que Love Exposure est indéniablement, et même bien plus que ça. A la manière de Noriko’s Dinner Table, le film se découpe en cinq chapitres. On pourrait même dire que le film se découpe en deux grandes parties : la première lorgnant plus vers le comique et le grotesque, et la seconde beaucoup plus sombre et dramatique.
Le film va dans un premier temps nous présenter le personnage de Yu et sa famille. Fils d’un père chrétien qui devient prêtre suite au décès de sa femme, Yu peut être vu comme un adolescent modèle, qui ne se fait pas remarquer, aide son prochain, ne vole pas, ne se bat pas. Un personnage qui a immédiatement notre capital sympathie. Joué par Nishijima Takahiro, plutôt connu pour être un des membres du groupe pop AAA, le jeune acteur s’en sort à merveille et rend son personnage crédible et immédiatement attachant. La première heure lui sera dédiée (et ce jusqu’à l’apparition du titre, n’arrivant, oui, qu’après une heure de métrage), où nous allons suivre ses aventures où, pour faire plaisir à son père souhaitant absolument qu’il se confesse, va apprendre à pécher. Passant de petits délits comme casser une gomme ou écraser des insectes, Yu va rapidement aller plus loin en rencontrant une bande d’amis. Là, ce sera bagarre de rue, et rapidement, apprentissage de l’art de tosatsu, consistant à prendre à la volée des photos des culottes des filles dans la rue. Malgré le ton général se voulant plus triste (voir les réactions du père, son comportement), Sono met l’accent sur l’humour dans cette partie.
Un humour savoureux auquel il est très difficile de résister. Comment ne pas être surpris et rigoler devant un entrainement de tosatsu à base de kung fu et de voitures télécommandées. Tout va très vite, et Sono maîtrise son histoire et sa mise en scène, affûtée. Les éclairages sont souvent magnifiques, beaucoup de plans sont filmés caméra à l’épaule comme d’habitude dans ses métrages, le nombre d’information à l’écran défile à la vitesse de l’éclair, si bien que l’on oublie l’absence d’apparition du titre jusqu’à ce qu’il apparaisse finalement. Les personnages, même les secondaires, ont tous leur importance et leur utilité, ce qui ne les rend pas artificiels. Sono pousse même le bouchon plus loin avec l’apparition d’un compte à rebours apparaissant régulièrement à l’écran et faisant bien monter l’attente du spectateur. Et pour accompagner le périple de son personnage, il choisit du Beethoven ou le Boléro de Ravel pour la bande son. Choix plutôt judicieux convenant à merveille aux images et aux thèmes qu’il développe. Car dés la scène d’ouverture, nous retrouvons les thèmes chers au metteur en scène, comme par exemple la famille, ou plutôt l’éclatement de la cellule familiale, et la perte des repères de la jeunesse, tout en évitant la redite par rapport à ces précédentes œuvres (et ses oeuvres futures).
Arrivé à l’apparition du titre et sa lente montée émotionnelle par le Boléro de Ravel qui trouve sa plus merveilleuse utilisation avec le Femme Fatale de Brian De Palma, il reste encore 3 heures au compteur de Love Exposure, et le film n’a pas finit de nous dévoiler toutes ces merveilles et à nous impliquer dans les errements de ces personnages, loin de là. S’ensuivent deux chapitres un peu plus courts nous présentant les deux autres personnages clés de cette histoire, à commencer par Koike Aya. A nouveau chapitre, nouveau personnage, Sono se permet même de changer la voix off quasi constante du métrage, remplaçant de façon logique Yu par Aya, et ça fonctionne. Il en sera de même pour le personnage de Yoko. Pour ces chapitres, changement de ton, et changement d’ambiance musicale également. Sono adopte déjà un ton plus grave pour la présentation de ces deux personnages que la vie n’a pas gâté. L’ambiance vire parfois au grotesque, mais devient également plus violente, parfois immorale. Sono continue de nous présenter des familles totalement déconstruites, et à nous montrer les travers de notre société actuelle. Ces deux chapitres finissent de nous présenter le trio de personnages principaux, tous aussi attachants les uns que les autres (tout de même une large préférence pour Yu et Yoko), et le film peut alors reprendre sur la rencontre entre Yu et Yoko. Et l’histoire elle va pouvoir continuer d’évoluer en nous amenant toujours vers de nouveaux horizons, de nouveaux styles, et Sono pourra recourir à tous les procédés visuels nécessaires pour faire de son film une œuvre vraiment inoubliable et à part. Comédie, drame, quelques effusions de sang, répétition de la musique, thèmes de la famille, de la religion, des sectes, de l’acceptation de soit, de la croyance en général, de la manipulation, de l’amour, du sexe, de la perversité, tout y passe, et Love Exposure pourrait rapidement ressembler à un grand fourre tout s’il n’était pas si bien organisé.
Mais en plus d’avoir le talent habituel du réalisateur, celui ci s’entoure encore une fois d’acteurs pour la plupart débutants mais qui se donnent vraiment à fond. De Love Exposure ressortira notamment l’interprétation de Nishijima Takahiro (Yu), juste autant quand il doit jouer la comédie que le drame, et surtout, la grande découverte du métrage, Mitsushima Hikari, jouant Yoko. La jeune actrice de 23 ans lors du tournage, aperçue rapidement dans les deux films Death note où elle jouait la sœur de Kira (et dans le pas fameux Rebirth of Mothra 2 dix ans plus tôt) EST littéralement son personnage, elle se donne à fond dans chacune de ses scènes, et son talent lors des scènes dramatiques impressionne, à tel point qu’il est parfois dur pour le spectateur de retenir ses larmes. Car oui, le dernier chapitre de Love Exposure se calme au niveau de l’humour et nous donne un fond bien plus sombre en se concentrant sur le drame de l’histoire, et sur les thèmes des sectes et de l’amour. L’amour, s’il y a bien un mot pour résumer le film, c’est celui là. Mitsushima nous le rappelle justement dans une scène impressionnante où elle dit, voir crie littéralement un passage biblique sur le rebord de la plage. Un des plus grands moments du métrage assurément, qui nous en met plein la vue, tout comme la scène finale, qui prend aux tripes et pourra sans aucun doute en faire pleurer plus d’un devant un ton aussi juste, aussi vrai, et aussi émouvant. Si bien que quand le fatal « The End » s’affiche à l’écran, on est juste déçu d’une seule chose… que le film ne continue pas encore. 4h à ce rythme là, où on peut passer d’un instant à l’autre de la comédie au drame, en passant par le grotesque et le fond social, ça s’applaudit, et on en redemande. Love Exposure est l’œuvre la plus maîtrisée et la plus complète de son auteur, un film qui lui ressemble, et où l’on trouve autant du comique de situation que des scènes perverses, du drame humain qu’une critique de la société, en passant par quelques moments plus contemplatifs qui pourraient faire penser à du Kitano. Eblouissant.
Les plus
Les personnages attachants
Les thèmes abordés
Les ruptures et changements de ton
Un film diablement original et prenant
Trop court finalement
Les moins
…
En bref : L’amour, la religion, la société, la perversité, l’acceptation de soit, finalement, Love Exposure est une ôde à la vie, un film merveilleux qui ne lasse jamais malgré sa durée, un chef d’oeuvre.
j’ai adoré, c’est un peu glauque par moment mais bon, les japonais sont comme ils sont donc…
mistergoodmovies.net
Oui, ça mixe un peu tous les genres et différents tons, comme souvent chez le réalisateur en fait. Ça restera toujours un de mes films préféré ^^