Titre original : Solyaris – Солярис
1971 – Russie
Genre : Science Fiction
Durée : 2h46
Réalisation : Andrei Tarkovsky
Musique : Eduard Artemev
Scénario : Fridrikh Gorenshteyn et Andrei Tarkovsky d’après le roman de Stanislaw Lem
Synopsis : Le cosmonaute Kris Kelvin reçoit la mission de se rendre sur la planète Solaris afin d’enquêter sur les événements étranges qui s’y sont produits.
Si l’on demande à quiconque de citer un réalisateur Russe, c’est souvent, voir tout le temps Andrei Tarkovsky qui est cité. Et parmi le peu d’œuvres qu’il aura réalisé, Solaris est souvent cité comme le plus grand moment de sa carrière. Et je ne l’avais jamais vu avant aujourd’hui. Pourtant, je m’étais frotté au remake Américain produit par James Cameron et réalisé par Steven Soderbergh. Et j’avais d’ailleurs adoré. L’ambiance, l’histoire, les thèmes, la lenteur du récit, le score musical de Cliff Martinez. Il était donc l’heure de se frotter à l’œuvre originale, à la première adaptation du livre de Stanislaw Lem, le grand Solaris de Andrei Tarkovsky, œuvre monstre de quasi 3h, 2h47 pour être précis. Soit tout de même une heure de plus que son remake. Heureusement d’ailleurs, le remake et l’original, bien qu’ayant bien entendu la même histoire et une narration similaire, n’accordent pas la même importance aux mêmes éléments, faisant des métrages deux films bien différents. Mais le Soderbergh, bien qu’étant un remake, s’avère en tout cas bien plus simplifié, rapide, et dans un sens, digeste. Alors là, attendez avant de me fusiller. Je l’ai beaucoup aimé ce Solaris de 1971, mais je lui ai préféré pour une fois le remake, oui oui, ça arrive (genre, ben, juste là). Car si l’œuvre de Soderbergh prend des libertés avec le film original et avec le roman, cette première adaptation prend déjà des libertés avec le roman. Notamment dans sa première partie. Tarkovsky rajoute en effet une très longue première partie afin de mieux situer le contexte de son histoire, ses personnages, ses thèmes, et c’est bien là que sera la grande différence avec le remake, mais ça on y reviendra un peu plus loin. Mais pas de bol pour lui, malgré de belles images et la promesse d’un cinéma exigeant (Solaris l’est assurément), cette première partie, soit les 40 premières minutes, n’a pas fonctionnée sur moi.
On y découvre Kris, notre héros joué par Donatas Banjonis, ses difficultés de communication avec son père et avec un homme venant lui demander des conseils quand à la mission sur la planète Solaris. Les plans sont sublimes, l’ambiance se pose doucement, Tarkovsky fait des choix qui parfois vont surprendre le spectateur (certaines scènes passent de la couleur au noir et blanc par exemple) mais qui donnent une patte visuelle à son film, mais ça parle. Beaucoup. Longtemps. Lourdement parfois dans les termes et explications. 40 minutes où l’on découvre les personnages et où l’on écoute le témoignage d’un cosmonaute revenu de Solaris, qui nous explique son incroyable histoire sur l’océan infini, sur un être géant. Faut-il arrêter la mission Solaris ou pas ? Kris est donc envoyé là-bas en tant que psychologue pour jauger la situation. Cette première partie montre la direction optée par le réalisateur, et son intérêt avant tout pour l’humanité plutôt que pour la technologie. Choix d’ailleurs incroyablement osé, puisque Solaris adapte un roman réputé et populaire, acclamé par la critique, et donc, c’est un projet au départ avant tout commercial. D’ailleurs, le premier jet du scénario fut tout simplement rejeté par le comité de production, puisque plus de la moitié du scénario se déroulait sur Terre. Bref, Tarkovsky nous montre ses intentions cash, mais j’admets, cette première partie me paraît bien trop longue. Par contre, passé cette partie, dés que Kris arrive sur Solaris, c’est une toute autre histoire. Certes oui l’aspect science fiction est totalement en arrière plan (peu de plans sur Solaris même, juste les couloirs mornes du vaisseau), mais Solaris brasse des thèmes passionnants. Solaris est dotée en quelque sorte de conscience, et lorsque nos personnages vont dormir, leurs plus grands regrets sont matérialisés. Pour Kris, ce sera son ex femme, décédée par suicide depuis 10 ans.
L’irruption de Hari (Natalya Bondarchuk) en seconde partie du film vient relancer l’intérêt, les questionnements des personnages, l’ambiance, mais également les thèmes du film. Après tout, pourquoi l’humain cherche-t-il en vain à rester sur Solaris pour communiquer avec quelque chose qu’il ne connaît et ne comprend pas, alors que l’homme n’arrive déjà pas à comprendre ses semblables et à communiquer entre eux. C’est bien là toute la thématique de Solaris version 1971, l’absence de communication de notre espèce. Oui, l’histoire d’amour entre Kris et Hari est importante, et est même au cœur du récit, mais la finalité de cette intrigue ne part pas dans cette direction, contrairement justement au remake de Soderbergh. Les différences sont subtiles, mais importantes. Mais dans un cas comme dans l’autre, Solaris devient passionnant une fois arrivé sur place, que l’on apprend à faire connaissance avec les rares membres de la station encore présents, que l’on apprend à connaître les nombreuses failles humaines de Kris et qu’on le voit peu à peu perdre pied face à cette réalité « alternative » que lui propose cette planète et son étrange pouvoir, pouvoir qui n’est qu’illusion, et qui n’apporte que souffrance finalement. Très intéressant et souvent envoutant, Solaris n’est en tout cas pour moi pas le chef d’œuvre annoncé. C’est un excellent film de science fiction, qui vieillit par ailleurs extrêmement bien, probablement grâce à son contenu intimiste, et dont paradoxalement les plus beaux moments sont ses plans sur la nature terrestre. Mais certains dialogues un peu trop lourds ainsi que sa première partie un peu trop longue me bloquent, et bloqueront à mon avis beaucoup de nouveaux spectateurs, qui s’ils ne savent pas passer outre ces éléments, resteront à la porte d’un univers passionnant.
Les plus
Un cinéma exigeant
De magnifiques images
Les thèmes du film
La relation entre Kris et Hari
Les moins
La première partie trop longue
Certains dialogues un peu lourds
En bref : Solaris est un film exigeant, d’ailleurs sans doute un peu trop par certains aspects. Il n’est pas parfait et à quelques petites longueurs, mais à ce petit quelque chose de fascinant qui parvient à nous scotcher.
Tu t’en prends à un sacré morceau et tu t’en sors très bien. Ta comparaison avec l’adaptation de Soderbergh (produite par Cameron, rappelons-le) est très éclairante, et met pertinemment en lumière un élément fondamental du récit qui est celui de la communication. Celle-ci est en effet au cœur du film de Tarkovski, une préoccupation qui n’est sans doute pas sans rapport avec le régime soviétique sous lequel le film a été produit, il faut le rappeler. Intéressant aussi de voir que ce thème, s’il infuse moins la version de Soderbergh, se retrouvera néanmoins à travers l’œuvre du cinéaste américain (il est né en Géorgie, ce qui le rend peut plus perméable au discours venu de l’Est ? ;-D ), je pense à « The Informant ! » mais aussi et surtout à « Contagion » et « Effets Secondaires » qui plongent au cœur de ces informations virales qui rongent et ébranlent de plus en plus nos démocraties occidentales. L’approche de Tarkovski est évidemment largement plus métaphysique, se voulant, dans une certaine mesure (c’était en tout cas la volonté des producteurs) dans la lignée de 2001. Il accouche d’un film radicalement différent, presqu’un négatif de Kubrick, mais certainement aussi important.
Quant à la notoriété de Tarkovski lui-même, un des réalisateurs russes parmi les plus connus (mais parmi ceux qui citent son nom, qui réellement a vu Solaris ou même Stalker ?), elle est toute relative. Peut-être aussi tient-elle au fait qu’il est particulièrement reconnu par les cinéphiles français (et parce qu’il est inhumé à Sainte-Geneviève des Bois où je me suis personnellement rendu une fois dans un curieux accès de cinéphilie nécrophile) ? Ton bel article encourage en tout cas vivement à voir et revoir ce chef d’œuvre. Allez, Salyut l’ami.
Merci, j’ai toujours un peu peur quand je commence une review sur de gros morceaux de cinéma (pour ça que je parle peu des gros films cultes, aussi souvent parce que tout a déjà été dit). Produit durant les mêmes années, j’ai pu voir récemment la comédie Russe « The Diamond Arm » (j’essayerais d’en faire un article) qui bien que dans un genre totalement différent, met également en avant ce souci de communication, au service de l’humour dans ce cas là.
Contagion et Effets Secondaires sont deux métrages de Soderbergh que j’apprécie énormément, mais qui semblent en tout cas pas mal diviser le public (parmi mes amis cinéphiles, beaucoup sont restés totalement de marbre devant Contagion). The Informant j’avais moins aimé mais je devrais lui donner une seconde chance, la projection a l’époque n’était pas dans les meilleures conditions, avec un projecteur défaillant qui donnant énormément de soucis de mise au point).
Tout le monde citera Tarkovski, mais je pense en effet que peu de gens ont vu ces métrages. Déjà, la durée leur fait peur, et il faut dire que ça tourne très souvent aux alentours des 3h. Stalker je l’ai également, à voir si je parvient à écrire dessus.
Bon par contre, après du Ketchum, du gore Japonais et du Tarkovski, je vais sans doute tenter un film plus léger la prochaine fois. Un petit Misty Mundae pour la route tiens 😉
A plus et merci de tes commentaires toujours passionnants à lire et blindés de petites anecdotes sympathiques.