LA MARQUE DU TUEUR (殺しの烙印) de Suzuki Seijun (1967)

LA MARQUE DU TUEUR

Titre Original : Koroshi no Rakuin – 殺しの烙印
1967 – Japon
Genre : Policier
Durée : 1h31
Réalisation : Suzuki Seijun
Musique : Yamamoto Naozumi
Scénario : Guryu Hachiro

Avec Shishido Joe, Nanbara Kôji, Tamagawa Isao, Mari Annu, Ogawa Mariko et Minami Hiroshi

Synopsis : Hanada Goro est le tueur numéro 3 dans la hiérarchie des malfaiteurs japonais. Misako lui propose un « contrat », qu’il rate à cause d’un papillon qui se pose sur son arme. Dès lors, il deviendra la cible du mystérieux et secret numéro 1. Il décide de quitter l’organisation des malfaiteurs professionnels et de trouver le numéro 1.

Parfois, les plus petits hasards trouvent une signification ou se remarquent avec le recul, des années plus tard. 1967 aura été une année particulière sur pas mal de points d’ailleurs, niveau hasard, puisque dans deux pays opposés géographiquement et en terme de cultures, deux cinéastes réputés livrent deux films atypiques mais livrant néanmoins une vision diamétralement opposée d’un genre, et donc d’un style de personnage. En France, il y aura Melville et Le Samouraï avec Alain Delon, et au Japon, il y aura Suzuki et La Marque du Tueur. Deux films importants, opposés, qui marqueront de nombreux cinéastes. Après tout, Le Samouraï influencera des années plus tard John Woo pour The Killer, et quant à La Marque du Tueur et le cinéma de Suzuki en général, il faudra se tourner du côté de Tarantino ou de Jim Jarmusch, qui rendra d’ailleurs hommage au film du jour dans son Ghost Dog. Nous allons donc parler de La Marque du Tueur, film à l’histoire passionnante qui débarque assez tardivement en France, si bien qu’il fut d’abord connu sous son titre Anglais, Branded to Kill. Car pour le studio produisant le métrage, la Nikkatsu, il s’agît là d’un simple film de yakuza, ou plutôt d’un sous-genre, le film de tueur à gage. Et à l’époque, ah ça ne plaisantait pas avec les plannings, c’était une semaine de préproduction, 25 jours de tournage, 3 jours de post production, et hop, au cinéma, c’est parti. Suzuki Seijun lui n’était au départ pas sur le projet, mais fut approché pour réécrire le scénario, ce qu’il fit avec l’aide de plusieurs de ces fidèles collaborateurs, sous le nom de Guryu Hachiro. La légende voudrait que le montage du film fut effectué en une seule journée, ce qui paraît peu, car même si Suzuki était réputé pour filmer uniquement ce qui était nécessaire au montage, et bien une journée seulement, avec de la pellicule… mais je m’égare.

Seulement la Nikkatsu fut très mécontente du résultat, et tenta d’enterrer le film. Quelques soucis de justice plus tard, le contrat spécifiant que le film devait quoi qu’il arrive être commercialisé, La Marque du Tueur débarque, et mettra du temps à trouver son public, à avoir son statut de film culte. La Nikkatsu elle se débarrassera tout simplement du réalisateur, en plus d’avoir honte du film, et le pauvre Suzuki resta à l’écart des tournages pendant 10 ans. Bien entendu, l’affaire est bien plus complexe que ces quelques lignes, mais je vous invite à fouiner si l’histoire vous intéresse, puisque la Nikkatsu refusa carrément de diffuser tous les films de Suzuki, comme s’ils le reniaient tout simplement, déclarant publiquement qu’ils voulaient faire des films compréhensibles pour tous. Bref, il serait temps de parler du film non ? La Marque du Tueur, c’est encore aujourd’hui un film qui divise. Et on comprend facilement pourquoi, tant Suzuki semble tenter de prendre à revers toutes les attentes du genre en question. Nous suivons Hanada Goro, tueur à gage, le troisième meilleur de l’organisation, joué par l’acteur fétiche du réalisateur, Shishido Joe, qui après un contrat raté, devient la cible de son organisation, et va devoir faire face au meilleur tueur, au numéro 1. Un propos simple, que Suzuki dynamite, autant narrativement que stylistiquement. Déjà, il utilise un noir et blanc très contrasté, ce qui va à l’opposé de ces précédents métrages, en couleurs. C’est simple, visuellement, c’est tout simplement sublime, et le travail sur la photographie effectué par Nagatsuka Kazue est à saluer tant chaque plan est à tomber par terre. Un travail visuel énorme, aidé par des cadrages souvent affutés, des acteurs et actrices charismatiques et à l’aise devant la caméra, et une réelle recherche pour sortir des sentiers battus. Si bien que souvent, le film prend des allures de métrage abstrait, onirique. Et ça, tout le monde ne peut pas y adhérer, j’en suis bien conscient.

L’intrigue est extrêmement simple, mais la narration brise beaucoup de choses, de temporalités. Même la gestion de l’espace au sein du cadre est là pour perturber le spectateur, avec des personnages se parlant tout naturellement, sauf qu’en réalité, ils sont à vingt mètres l’un de l’autre. Tout ça, c’est quand le montage n’expérimente pas non plus par-dessus ces divers éléments. Et notons également la présence tout au long du parcours de notre tueur de l’eau, élément qui semble très important. Il pleut souvent, l’eau passe devant la caméra, les scènes sont parfois sous la douche, voir parfois l’eau vient jouer un rôle dans les meurtres. Un travail visuel donc énorme et réfléchi pour un film en soit plutôt simple narrativement. Et à l’opposé du Samouraï justement, pour revenir sur l’autre film du genre de 1967, puisque là où Alain Delon ne montrait aucune émotion, ne parlait quasiment pas, chez Suzuki, notre tueur montre plus facilement ses failles, a un faible pour une femme même s’il le répète, un tueur doit rester solitaire. Mais il apparaît plus humain. Et les femmes justement, parlons-en, car nous sommes en 1967, et La Marque du Tueur affiche une nudité, souvent frontale, très marquée. Mais qui ne semble jamais gratuite ou vulgaire, tout l’opposé en réalité. Bien loin donc de ce que la Nikkatsu sera capable de faire durant les années 70 et au début des années 80. Et il y aurait encore tellement de choses à dire sur le métrage, et même parfois, tout et son opposé, tant le métrage affiche clairement son côté abstrait, onirique, hors du commun, en avance sur son temps même sans doute, et qu’il est même logique donc de voir un tel film diviser. Je crois que de mon côté, vous savez où je me situe.

Les plus

Visuellement fabuleux
Un film qui ose énormément de choses
Envoûtant par certains aspects
Les acteurs et actrices

Les moins

Assez radical dans son approche, et voué à diviser

En bref : La Marque du Tueur tente énormément de choses visuellement et narrativement pour nous plonger parfois dans un état de confusion, pour nous rapprocher de son personnage de tueur qui dérape petit à petit. Suzuki livre une œuvre plastique irréprochable mais au propos qui ne plaira pas à tout le monde.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ Visually stunning, all the time, every shot
♥ The film tries so many things
♥ You can’t look away from the screen
♥ The actors and actresses
⊗ It’s not for everyone as the film tries to be more than a simple thriller
Branded to Kill tries a lot of things, both visually and with its story, to confuse the audience, to make us feel a bit like its main character. Suzuki delivers a visually perfect film, but its content is not for everyone.

2 réflexions sur « LA MARQUE DU TUEUR (殺しの烙印) de Suzuki Seijun (1967) »

  1. Un film majeur de la Nouvelle Vague japonaise, je souscris à l’avis d’Oli.
    Une œuvre pas facile à appréhender tout de même. Suzuki est un peu le Godard japonais.

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