CREEPY (クリーピー 偽りの隣人) de Kurosawa Kiyoshi (2016)

CREEPY

Titre Original : Kurîpî: Itsuwari no Rinjin – クリーピー 偽りの隣人
2016 – Japon
Genre : Thriller
Durée : 2h10
Réalisation : Kurosawa Kiyoshi
Musique : Habuka Yuri
Scénario : Kurosawa Kiyoshi et Ikeda Chihiro

Avec Nishijima Hidetoshi, Takeuchi Yûko, Baba Toru, Fujino Ryôko, Higashide Masahiro, Kagawa Teruyuki, Kawaguchi Hiruna et Saisho Misaki

Synopsis : Un ex-détective devenu professeur en criminologie s’installe avec son épouse dans un nouveau quartier, à la recherche d’une vie tranquille. Alors qu’on lui demande de participer à une enquête à propos de disparitions, sa femme fait la connaissance de leurs étranges voisins.

Il est toujours passionnant de se lancer dans un nouveau métrage de Kurosawa, même si cela reste toujours un peu effrayant également. Et non, je ne dis pas cela par rapport au titre du métrage, Creepy. Non, loin de là, tout simplement car Kurosawa Kiyoshi tourne beaucoup, et vite. Comme Miike me diront certains, sauf que Kurosawa lui navigue sans arrêt entre des purs films de commandes, parfois pour mettre en scène des idoles, parfois même pour le monde de la télévision, et donc, des téléfilms, et des films plus personnels où il affine son style. Creepy en 2016, c’était le retour de Kurosawa en tout cas aux thrillers, genre qui lui avait clairement ouvert les portes du public international via des œuvres marquantes, mais aussi marquées par son style lent et contemplatif, où la patience du public se voit souvent récompensée, dés lors que l’on parvient à rentrer dans l’univers du réalisateur. Car dans le domaine du thriller, souvent à la frontière du fantastique d’ailleurs, Kurosawa nous avait livré Cure (1997), Charisma (1999), Séance (2001), Doppelganger (2003), Loft (2005), Rétribution (2006), avant de s’octroyer une pause dans des domaines bien différents, avec des films comme Tokyo Sonata, Real, ou le meilleur exemple en ce qui concerne une œuvre hybride, entre œuvre de commande (mettant en avant Maeda Atsuko) et œuvre personnelle (une déambulation dans un pays d’Europe de l’Est) avec Seventh Code. Creepy est donc le retour du cinéaste dans un de ces genres de prédilections, 10 ans après Rétribution. Et il prouve, malgré quelques défauts ci et là, qu’il n’a pas perdu la main, Creepy étant même par certains aspects bien plus accessibles qu’un Cure ou Charisma, sans doute car usant moins de métaphores et de sous textes, pour s’inscrire dans un cinéma plus contemporain, plus classique et faussement banal.

Et justement, rien de bien surprenant de voir un point de départ assez similaire à l’une de ses œuvres passées, avant de voir la narration suivre un chemin beaucoup plus classique, en jouant sur les apparences. Creepy est donc l’histoire de Takakura Koichi, ancien détective qui va se reconvertir en professeur de criminologie, et emménage dans une nouvelle maison avec sa femme Yasuko. Le détective se mettant au vert dans un nouvel environnement, cela n’est pas sans rappeler Charisma donc. Mais au lieu de jouer sur des thématiques plus profondes comme il l’avait fait sur ledit film, Kurosawa choisit de rester dans un domaine bien plus terre à terre, en jouant sur les apparences, et sur la banalité du quotidien, avec ce voisin étrange, parfois bienveillant, parfois tout simplement flippant, le temps d’un regard ou d’une phrase. Et forcément, Koichi (impeccable Nishijima Hidetoshi, que certains connaissaient déjà pour Dolls ou Casshern, mais qui explosa par la suite récemment avec Drive my Car ou Shin Ultraman) va reprendre du service quand on va lui demander de l’aide sur un cas de disparition non résolu. Les thèmes abordés sont donc très terre à terre, autant dans la gestion du film de la profession de notre héros, mais aussi du voisinage bien sous tout rapport. Aucun élément surnaturel ou mystique, pas vraiment de double degré de lecture, Creepy est un film direct, mais contenant pourtant clairement certaines obsessions du réalisateur en son cœur, et surtout sa patte visuellement et dans sa façon de concevoir l’ambiance. Creepy n’est donc pas un thriller haletant doté d’un rythme faussement endiablé, de courses poursuites et autres, mais Creepy est un thriller d’ambiance jouant sur l’attente pour poser une ambiance lourde, et à ce petit jeu, Kurosawa est doué, voire même très doué. Et aidé par un casting très convaincant. Car outre Nishijima Hidetoshi dans le rôle principal, il faut bien entendu souligner la prestation de Kagawa Teruyuki dans le rôle du voisin, excellent de bout en bout, et faisant douter le spectateur dés sa toute première apparition.

Il pourrait bien être la définition du titre du film, tant il met mal à l’aise, fait douter, et est pour beaucoup dans l’ambiance du métrage, en plus de plutôt bien représenter cette apparente tranquillité d’un quartier tout ce qu’il y a de plus banal dans une ville Japonaise, mais qui semble cacher de lourds secrets. Entre un acteur qui fait son petit effet à la moindre apparition, et un Kurosawa qui prend son temps et parviendrait presque à rendre une simple allée ou un jardin terrifiant en les filmant, Creepy pourrait presque être un film parfait dans l’exercice du film qui parvient à faire monter le malaise sans avoir recours à de quelconques effets chocs. Presque oui, car Creepy, bien que maitrisé, n’est pas exempts de défauts, et les principaux, on les retrouve dans le scénario, qui parfois accumule les facilités comme pour faire durer le suspense. Des hasards malheureux (tiens, on retombe sur une enquête qui a un lien pile avec le nouveau voisinage de notre ancien flic, quel hasard), des moments sans doute révélés trop tôt (la fille avouant que l’homme censé être son père ne l’est pas), et des personnages qui parfois ne réagissent pas forcément à des éléments qui sont pourtant des gros indicateurs. Si l’on rentre dans l’ambiance, on passe outre, mais il est clairement dommage de voir autant de petites erreurs dans un scénario pourtant aussi simple. Alors qu’avec ses 2h10, le simple fait de raccourcir un poil le métrage aurait permis par moment de retirer quelques éléments gênants et ainsi de gagner en crédibilité générale. Mais Creepy n’en reste pas moins intéressant, et maitrisé sur beaucoup plus d’aspects que ceux qu’il rate.

Les plus

Une ambiance lente et lourde
D’excellents acteurs
Quelques moments marquants
Une belle maitrise technique

Les moins

Des facilités d’écriture
Voire même des incohérences

En bref : Kurosawa revient au thriller, et le fait bien, malgré de grosses facilités d’écriture. Son rythme posé fait planer une ambiance lourde et oppressante sur le spectateur, les acteurs sont excellents, quelques scènes marquantes, et c’est en définitive une réussite, si l’on accepte également les quelques ratés.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ A slow and heavy atmosphere
♥ Some excellent actors
♥ A few striking moments
♥ Nicely done technically
⊗ The script is not perfect
⊗ A few inconsistencies
Kurosawa comes back to the thriller, and does it well, despite a few inconsistencies in the script. The slow pacing gives the film a heavy atmosphere for the viewers, actors are excellent, and if you can go past the few mistakes, it’s a great film!

11 réflexions sur « CREEPY (クリーピー 偽りの隣人) de Kurosawa Kiyoshi (2016) »

  1. Je pense comme toi. Des trucs qui ne vont pas, mais ça passe quand même, c’est un bon thriller, on passe un bon moment, l’ambiance est super. Par contre… Creepy, on pourrait dire que ça colle à la peau de l’acteur Kagawa Tereyuki maintenant… C’est un sacré connard visiblement, et depuis que j’ai entendu une sordide histoire datant de 2019 ayant récemment refait surface, je ne le vois plus de la même manière. Dans d’autres pays, il aurait été blacklisté direct (je me demande d’ailleurs si ça n’a pas commencé, puisqu’il n’apparait dans aucun projet de 2023…).

    1. Disons que la maitrise formelle du film et son ambiance font que l’on passe outre les facilités et autres, même si y a quelques éléments qui auraient pu être très facilement évités, c’est dommage quand même.
      Ah merde par contre je ne savais pas pour Kagawa, je vais aller lire un peu dessus, juste histoire d’être à jour car bon, comme souvent, lire la misère de la vraie vie, bof bof…. Mais bien possible du coup qu’on ne le voit plus ou que dans de tout petits trucs moins médiatisés.

    1. Très joli article, en te penchant sur les sous textes et l’ambiance du film, du coup forcément tu n’en dis que du bien haha. Du coup tu peux foncer le revoir. Du bon voire très bon Kurosawa, même si pas mon préféré (ni celui que j’apprécie le moins). Et moi faut que je tente à tout prix de voir le Spielberg avant mon départ au Japon, mais ça me paraît compliqué.

  2. Masterful control of atmosphere in this film. The lighting and camera movement, the blocking and performances of the actors. Reality goes sideways in such an uncanny but relatable way.

    1. I think Kurosawa is a master when it comes to atmosphere, especially when he does dark thriller, almost surreal ones. Even if I’m not a pro, there are so many films from him that I’ve never seen, but I got them, just need the motivation and time! And I still need to give another shot to KAIRO, I didn’t like it when I first discovered it back in the early 2000.

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