L’ILE DU DR MOREAU (The Island of Dr. Moreau) de John Frankenheimer (1996)

L’ILE DU DR MOREAU

Titre Original : The Island of Dr. Moreau
1996 – Etats Unis
Genre : Fantastique
Durée : 1h36
Réalisation : John Frankenheimer
Musique : Gary Chang
Scénario : Richard Stanley et Ron Hutchinson

Avec Marlon Brando, Val Kilmer, David Thewlis, Fairuza Balk, Daniel Rigney, Temuera Morrison, Nelson de la Rosa, Peter Elliot, Mark Dacascos et Ron Perlman

Synopsis : Unique survivant d’un accident aérien, Edward Douglas est recueilli sur une île du Pacifique par un personnage singulier : le docteur Moreau. Il découvre avec effroi que l’île est peuplée de créatures monstrueuses, mi-hommes mi-bêtes, vivant sous la domination de Moreau et de Montgomery, son assistant. Bientôt, ces monstres prennent conscience de leur force, se révoltent et finissent par dominer l’île.

Ah L’île du Dr Moreau, roman culte de H.G. Wells, datant de 1896, et déjà adapté au cinéma. Quoi de mieux pour les 100 ans du livre que d’en livrer une nouvelle adaptation, bénéficiant ainsi des progrès technologiques effectués entre temps, et avec en plus un réalisateur qui a fait ces preuves dans le monde des petits budgets en montrant un univers bien à lui, avec Hardware et Le Souffle du Démon. Sauf que Le Souffle du Démon a été une production difficile, avec les frères Weinstein à la production, et un charcutage du film dans les règles du studio. Cela ne décourage pas Richard Stanley, qui passe malgré tout quatre années de sa vie à bosser sur l’île du Dr Moreau avant d’avoir enfin le feu vert du studio, New Line Cinema ici. Son projet de rêve pour lui, et même si la production lui impose Marlon Brando dans le rôle titre alors qu’il imagine Jürgen Prochnow, cela ne fait rien. Ce qui est bien moins cool, c’est lorsqu’il apprend que dans son dos, le studio tenta d’offrir la mise en scène du film à Roman Polanski. Heureusement, après une rencontre avec Brando, celui-ci soutient Stanley et sa vision. Tout va bien ? Oh que non. L’île du Dr Moreau est connu comme étant une des productions les plus difficiles au sein d’Hollywood, et pourtant, Hollywood en a des productions chaotiques. Pourtant lorsque la préproduction se lance, Stanley est content, a ce qu’il veut (Bruce Willis et James Woods au casting, Stan Winston aux effets spéciaux). Mais c’est lorsque le tournage approche que tout se tire en cacahouète. Bruce Willis se retire du projet à cause d’un évènement privé encore non annoncé publiquement (son divorce), Val Kilmer le remplace mais a des demandes folles, ce qui force l’agenda à être revu, et surtout, lui fait changer de rôle, forçant James Woods à quitter la production. Et puis, la fille de Marlon Brando se suicide, ce qui fou un coup au moral de l’acteur, qui va se retrancher sur son île privée, laissant l’équipe dans le doute : quand l’acteur va-t-il apparaître ? Quand le tournage commence vraiment, Stanley subit des tensions sans arrêt, de la part de la New Line, et Brando n’étant même plus présent, il se retrouve seul, et Kilmer lui n’en fait qu’à sa tête, arrivant même avec deux jours de retard. Son excuse ? Il aura appris, en regardant la télévision, que sa femme divorce et le poursuit en justice. Ah oui. Kilmer fait sa diva, est agressif envers Stanley, refuse de dire ses dialogues. Au deuxième jour de tournage, l’acteur Rob Morrow quitte le tournage, ne pouvant supporter les tensions, et la météo est tellement mauvaise que les décors construits sur une île en prennent un coup, eux aussi.

Le troisième jour de tournage, un joli fax arrive de la part de New Line. Stanley est viré. Alors que la New Line tente de le contrôler, en lui promettant son salaire complet et en le conduisant à l’aéroport pour rentrer chez lui, le réalisateur disparaît, tout simplement. Au sein de l’équipe, sa disparition et son éviction ne font pas franchement plaisir, et l’actrice Fairuza Balk quitte le tournage après une discussion houleuse avec le studio, prête à ne jamais revenir, mais son agent la convint du contraire, prétextant qu’avec la rupture de son contrat, le studio pourrait ruiner tout simplement sa carrière, la forçant à revenir. John Frankenheimer est alors choisi par le studio pour réaliser le film. Reprendre ce projet malade et mal parti, le réalisateur l’accepte, mais vu l’ambiance, les sous déjà dépensés, il obtient ce qu’il veut du studio : un grand salaire, un deal pour trois films. Tout est arrêté le temps que Rob Morrow soit remplacé par David Thewlis, et que le script soit réécrit… pendant une semaine ! Mais lorsque le tournage reprend, tout ne va pas mieux. Brandon est difficile, oublie son texte, et on doit lui souffler ses dialogues via une oreillette, qui à un moment, captera la radio de la police à la place (je vous laisse imaginer alors les dialogues qu’il sortira…), l’ambiance entre Brandon et Kilmer devient catastrophique, le script est réécrit en permanence, Frankenheimer se fritte violement avec Kilmer, des scènes sont tout simplement improvisées à la volée par les acteurs… Une production on ne peut plus chaotique, dont beaucoup auront souffert, et qui reste, à ce jour, un carnage intéressant à regarder, assez fascinant. Pas si mauvais que beaucoup le disent, mais pas bon pour autant. Mais oui, tout ce gros bordel transpire à l’écran. Entre des scènes sortant d’on ne sait où, des éléments introduits dans l’intrigue mais qui tout à coup ne servent plus à rien, des acteurs partant tous dans une direction différente.

Ce qu’il reste de positif quoi qu’il arrive, ce sera au final la qualité des maquillages du film. Car nous sommes en 1996, il y a un budget derrière (40 millions), et les maquillages des très nombreuses créatures du film, ils sont réussis. Lorsqu’à de très rares occasions, le film utilise des CGI, par contre, ça passe beaucoup moins, 1996 oblige. Mais c’est rare, et là il faut donc saluer le travail de l’équipe pour les maquillages, et surtout, la patience des acteurs et des nombreux figurants, car se faire intégralement maquiller, ça prend du temps, ce n’est pas agréable, et quand les deux vedettes du film refusent de sortir de leur caravanes et qu’il faut donc attendre sous la chaleur de l’été Australien, ben, voilà. On peut aussi dire, malgré tout, que les décors et costumes sont convaincants, et que la photographie est plutôt propre. Et que l’on peut rire des acteurs, si si c’est positif, tant comme je le disais, ils semblent tous partir dans des directions différentes. David Thewlis par exemple joue le héros, arrivant par hasard sur l’île, et qui, basiquement, n’a aucun développement, aucun arc narratif, aucun trait de personnalité, et semble juste pressé de quitter l’enfer qu’était le tournage. Brandon lui semble en roue libre, et cela se voit aux quelques idées qu’il a réussi à faire accepter aux réalisateurs, comme cette scène où il se retrouve avec un « bac à glace » circulaire sur le haut de la tête, et qu’une actrice lui mettra de la glace… Ou Kilmer, totalement en roue libre, qui se la joue, et tente même lors d’une scène ou deux d’imiter Brando pour un résultat tout simplement hallucinant et hilarant. On reconnaîtra, également (ou pas) quelques acteurs connus cachés sous de grandes couches de maquillages, comme Ron Perlman (reconnaissable) et Marc Dacascos (j’ai reconnu… son nom au générique).

Et puis voilà. L’île du Docteur Moreau, c’est ironique, mais c’est plutôt intéressant pour l’enfer du tournage, pour ce qu’a subit l’équipe, technique, artistique, les acteurs, plus que par le résultat final, bancal, qui ne tient que rarement la route, mais à part quelques idées et approximations, n’est pas non plus honteux ou incompétent, juste bancal et peu marquant. Là où Stanley avait une vision précise, mais sans doute un peu trop violente et sexuelle pour le studio, L’île du Docteur Moreau tel qu’il apparaît réalisé par John Frankenheimer (vu qu’encore une fois, Stanley n’a réalisé que durant trois ou quatre jours, sur les mois que ça a nécessité), ne nous donne aucune vision, aucun point de vu. C’est lisse, souvent plat, ça accumule les tentatives, les thèmes (l’animal, la religion, le contrôle, la nature humaine, la folie), mais ça ne développe finalement absolument rien, comme pour ne froisser personne, ne jamais prendre part à un quelconque débat. Ça ouvre de multitudes pistes, avant de se dire que c’est en fait trop de boulot, et qu’avoir une piste, c’est déjà bien. C’est sans doute ça le plus triste encore une fois, là où Richard Stanley avait une vision précise, de se retrouver avec un film inoffensif. Car que l’on aime ou pas le cinéma de Stanley, force est de reconnaître qu’il a clairement un style, qui ose, avec Hardware, Le Souffle du Démon, et Color Out of Space, son grand retour au cinéma il y a peu.

Les plus

Les nombreuses créatures et leur maquillage
Par moment amusant
Techniquement, ça reste plutôt propre

Les moins

Un film lisse au possible
Aucun développement
Des acteurs qui n’en font qu’à leur tête
Pas toujours hyper passionnant

En bref : L’île du Dr Moreau, si on le regarde sans rien savoir de lui, on peut se dire que c’est juste un film lisse, inoffensif, bancal. Quand on connaît sa production plus que difficile, on commence à mieux comprendre. Et on regrette la direction prise.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ The creatures and their makeup
♥ At times it’s funny
♥ Technically, it remains clean
⊗ The film is too nice, too clean, too nice
⊗ No development
⊗ The actors all do what they want
⊗ Not always interesting
The Island of Dr Moreau, if you watch it without knowing its complicated production, is a clean film, but weird, not always interesting. When you know it all, it’s more interesting already, but you regret the direction the movie took.

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