Titre original : Fallen Angels – 墮落天使
1995 – Hong Kong
Genre : Drame
Durée : 1h39
Réalisation : Wong Kar-Wai
Musique : Frankie Chan et Roel A. Garcia
Scénario : Wong Kar-Wai
Avec Leon Lai, Michelle Reis, Kaneshiro Takeshi, Charlie Yeung et Karen Mok
Synopsis : À Hong Kong, un tueur à gages désillusionné s’apprête à remplir son dernier contrat, mais il doit d’abord surmonter l’affection de sa partenaire, qu’il voit rarement. Dans une errance nocturne sordide et surréaliste, il croise le chemin d’une fille excentrique et d’un muet qui essaie sans arrête d’attirer l’attention sur lui.
Après avoir livré en 1994 le magnifique Chungking Express, dans lequel il nous racontait deux histoires qui se suivaient, deux histoires d’amour impossible, deux ruptures, Wong Kar-Wai recommence l’année suivante avec Les Anges Déchus, qui pourrait être considéré, et qui devait être au départ d’ailleurs, une troisième histoire du même film. Il nous propose de suivre une nouvelle fois donc des personnages qui s’aiment, s’ignorent, s’éloignent et regrettent. Une nouvelle fois donc, une histoire coupée en deux, mais cette fois-ci, se déroulant au même moment, et non pas l’une après l’autre. Que va-t-il pouvoir nous proposer, après les « couples » improbables qu’étaient Brigitte Lin en fausse blonde et Kaneshiro Takeshi en flic, puis Tony Leung Chiu-Wai également flic et Faye Wong en vendeuse de chef-salad ? Et bien, ici, pas de policiers ou de simples vendeurs, non, les personnages des Anges Déchus sont tous de l’autre côté de la barrière ou presque. Ils sont marginaux, seuls, n’acceptent pas vraiment la présence d’autres personnages. En ce sens, ils se rapprochent énormément du personnage de Brigitte Lin dans Chungking Express. On nous propose donc de suivre le voyage, les errances, de quatre personnages encore une fois. Dans un premier temps, nous faisons la connaissance d’un « couple » de tueurs à gages. Ou plutôt, d’un tueur et de son agent. Ils ne se voient quasiment jamais, se croisent parfois, mais malgré tout, quelque chose est là. Pour jouer ce « couple », Leon Lai (The Wicked City, Niki Larson, Infernal Affairs 3) dans le rôle du tueur et Michelle Reis (Histoires de Fantômes Chinois 2, Swordsman 2, City of Lost Souls) dans le rôle de l’agent. On peut le dire, ils sont tous les deux parfaits, et s’offrent tout simplement les meilleures scènes du métrage, si bien que le film aurait pu ne contenir que leur histoire, contenant ce qu’il faut de drame, de regrets, de solitude, et même de tuerie.
Car oui, Leon Lai est un tueur, et forcément, un tueur, ça fait le boulot pour lequel on les paye : tuer. Nous assisterons au cours du film à plusieurs contrats, et Wong Kar-Wai, film après film, prouve sa maîtrise de la caméra. Tout en gardant ses effets de styles habituels comme depuis son premier film (As Tears Go By en 1988), il évolue néanmoins (certains dirons en se calmant sur les ralentis et les flous), et nous propose des scènes de tuerie incroyablement courtes mais prenantes et maîtrisées. Ça flingue sévère, et cela en est même surprenant par moment venant de l’auteur. Entre les tueries perpétrées par Leon Lai, sa psychologie, et les scènes magnifiques de Michelle Reis se masturbant en pensant à son « amour » avant de finir en pleurs, le film nous propose déjà énormément. Wong Kar-Wai y ajoute donc comme dit plus haut une seconde histoire, se déroulant en même temps que la première, et dont les personnages vont parfois se croiser, et où l’on pourra également reconnaître des lieux similaires à Chungking Express. Dans cette histoire, on retrouve justement Kaneshiro Takeshi dans un rôle à l’opposé de celui de flic de Chungking Express. Jouant un muet, il tente de survivre comme il peut, en s’occupant des commerces des autres la nuit, après la fermeture des boutiques. Et à ses côtés, l’on retrouve également la jeune Charlie Yeung, découverte par beaucoup dans (attention) Future Cops de Wong Jing, et déjà aperçue dans Les Cendres du Temps de Wong Kar-Wai (elle reviendra un peu sur le devant de la scène dans les années 2000, avec New Police Story en jouant la petite amie de Jackie Chan). Le jeune homme jettera son dévolu sur cette femme, qu’il ne fait que croiser, soir après soir, au téléphone.
Cette partie sera beaucoup plus légère que la première, tout en y conservant les mêmes thèmes. Et malgré cette légèreté, Wong Kar-Wai n’oubliera pas de nous livrer le portait d’un jeune homme pas comme les autres, forcément, en étant muet, et parviendra à nous livrer des scènes magnifiques, et pourtant si simples parfois, comme ce long plan au ralenti, en noir et blanc, où Kaneshiro Takeshi tente de se rapprocher dans un bar de Charlie Yeung. Des moments magiques et pourtant si simples comme seul Wong Kar-Wai sait les faire. C’est dans ce genre de moments qu’on lui pardonne d’autres moments un poil moins prenant en ce qui concerne cette histoire là. Néanmoins, les deux parties se complètent parfaitement, se croisent, se réunissent par moment dans de beaux instants de cinéma, et si on pourra lui préférer les « couples » ou l’humour absurde de Chungking Express, nous ressortons des Anges Déchus heureux d’avoir assisté à un nouveau grand moment, que l’on n’oubliera pas facilement.
Les plus
La partie de Leon Lai et Michelle Reis
De très beaux moments
Parfois triste, parfois violent, parfois drôle
Les moins
Quelques moments moins prenants dans la seconde histoire
En bref : Les Anges Déchus est encore une grande réussite pour Wong Kar-Wai, une belle continuité de Chungking Express. Certains moments sont magnifiques et marquent.