ENTER THE VOID de Gaspar Noé (2009)

ENTER THE VOID

2009 – France
Genre : Trip expérimental
Durée : 2h41
Réalisation : Gaspar Noé
Musique (sons) : Thomas Bangalter
Scénario : Gaspar Noé
Avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta, Cyril Roy, Masato Tanno, Emily Alyn Lind et Jesse Kuhn

Synopsis: Oscar et sa sœur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est stripteaseuse dans une boite de nuit. Un soir, lors d’une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu’il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa sœur de ne jamais l’abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelstrom hallucinatoire.

Il n’est jamais simple de faire la critique d’un film, surtout quand il est bon. Faire la critique d’un film de Gaspar Noé, en particulier celui ci, est une tâche encore plus ardue, tant le bonhomme divise, choque, et n’en fait qu’à sa tête. Irréversible avait choqué à l’époque, et fait un petit carton. Encore aujourd’hui, le film dérange, avec son sens de la provocation, ces scènes chocs, sa construction, sa mise en scène. Autant dire que le nouveau film de Gaspar Noé était du coup très attendu. Présenté il y a un an au festival de Cannes dans une copie pas totalement achevée (trois mois de post production supplémentaires suivirent), il aura vraiment fallut attendre avant de découvrir son nouveau film, présenté par son réalisateur comme étant un mélodrame psychédélique. A la sortie de la projection, les choses sont simples, que l’on aime ou pas, on sort différemment de quand on est rentré. Pour autant, Enter the Void n’est pas un chef d’œuvre, loin de là. Il souffre de quelques défauts gênants, mais il reste sans aucun doute une expérience visuelle et sonore unique à vivre en salle, comme le veux le réalisateur. Son principal défaut, comme on l’a entendu un peu partout, est sa trop grande durée. 2h34 (2h17 dans son montage Américain, que j’ai pu voir sur grand écran également). Si pendant la majeure partie du métrage, on n’y fait absolument pas attention, autant dire que vers la fin, le temps commence à nous sembler long. Mais contrairement à Gaspar, commençons par le commencement. Le film s’ouvre, comme Irréversible, par le générique de fin, puis par un très rapide générique d’ouverture. Directement, nous somme dans l’ambiance, ce générique, rapide, épileptique, fou, coloré, nous en met plein la gueule sur une musique bien rythmée (un extrait de Freak du groupe LFO). Une bonne entrée en la matière, avant d’entrer dans le vif du sujet, et de faire la connaissance d’Oscar et sa sœur Linda. Enfin, faire connaissance est un bien grand mot. Nous ne rencontrons pas Oscar, nous sommes Oscar.

Oscar est un petit dealer, Linda est stripteaseuse. Le meilleur ami d’Oscar s’appelle Alex. La première partie se focalisera essentiellement sur Oscar et Alex, dans quelques scènes techniquement parfaite. Une première demi-heure de toute beauté, qu’il est difficile d’aborder par écrit, comme tout le métrage finalement, tant l’expérience de ce film reste une expérience totalement subjective, une expérience qu’il faut vivre dans de bonnes conditions (un écran géant, et un son qui pète bien). Dans cette première partie, Gaspar Noé tente de nous faire vivre l’expérience du trip en nous faisant voir ce qu’Oscar voit lorsqu’il se drogue. Et pour peu que l’on rentre dans le métrage, l’expérience est saisissante, d’autant plus que Noé bouche le bouchon très loin dans le surréalisme de sa mise en scène lors de ces vues subjectives. Nous avons des petits écrans noirs lorsque le personnage cligne des yeux, nous voyons sont reflet dans le miroir, chacun de ces gestes sont coordonnés. Un travail minutieux et totalement génial à vivre sur grand écran. Bien que totalement immersive, cette première partie prend en partie le spectateur par la main avec le personnage d’Alex, joué par Cyril Roy, qui parle avec Oscar, et nous raconte tout simplement ce que le spectateur va voir (ou subir, suivant le point de vue) pendant les deux heures restantes du métrage : la mort d’après le livre des morts tibétain. Bien que bavarde, cette partie a le mérite de ne pas nous lâcher totalement dans un trip hermétique, mais de donner une justification au film, malgré sa trop longue durée. Puis, soudain, sans prévenir (bien que l’histoire que l’on peut lire partout et les bandes annonces nous l’annoncent déjà), Oscar est tué dans les toilettes d’un bar, le Void. Le film peut alors prendre un tournant en se découpant en deux parties, en suivant pas à pas le guide du livre des morts tibétain. C’est à partir de là que le film commence à vraiment diviser les spectateurs.

Gaspar Noé ne lâche pas du tout Oscar, et continue de garder son point de vue dans les deux parties du film qui suivent. Dans un premier temps, Oscar, enfin l’âme d’Oscar, va se remémorer les moments les plus importants de sa courte vie. Les images se mélangent, la petite enfance, l’adolescence, l’arrivée à Tokyo de sa sœur, comment elle a trouvée un travail, la promesse qu’ils se sont fait étant jeune. Cette partie, finalement la plus classique dans le fond, reste passionnante, car c’est la partie du métrage qui nous rapproche le plus des personnages, malgré quelques facilités scénaristiques. On y découvre vraiment Oscar (filmé cette fois ci à la troisième personne, c’est à dire toujours de dos) et sa sœur Linda, interprétée avec brio, vu la difficulté et la longueur de certaines de ces scènes par Paz de la Huerta, déjà vue dans The Limits of Control de Jim Jarmush. Sans être magnifique, l’actrice possède en plus un charme indéniable convenant parfaitement à son personnage. Finalement, bien que Gaspar nous montre tout son film du point de vue d’Oscar, on se sent bien plus proche de sa sœur. D’autant plus que dans la dernière partie du film, qui n’est une surprise pour plus personne non plus, l’âme d’Oscar survole la ville dans des plans totalement hallucinants, et n’ayons pas peur des mots, jamais vu, et reste proche des gens qu’il aimait, à savoir sa sœur, et Alex. Bien que simpliste, tout cela ramène encore au livre des morts, et surtout à la promesse que les deux se sont fait étant enfants (un des meilleurs moments classiques du métrage). Mais malgré de nombreux éclairs de génies, plans de caméra jamais vus, ambiance surréaliste exceptionnelle, cette dernière semble déséquilibrée. C’est là que le film trouve véritablement ces quelques défauts.

En effet, aussi talentueux Gaspar puisse-t-il être, sa dernière partie souffre par moment d’une répétitivité dans son style visuel, certes justifié encore une fois par les propos d’Alex en début de métrage, mais qui aurait facilement pu être écourté d’une dizaine de minutes sans que l’histoire du film en faiblisse (un passage en particulier aurait pu être coupé, ainsi qu’une scène choc assez gratuite et ouverte montrée n’apportant pas grand chose). Mais paradoxalement, écourté, Enter the Void n’aurait peut être pas eu la même puissance, la même facilité à nous faire rentrer dans son univers et à nous hypnotiser. Heureusement, après ces quelques longueurs, le film reprend du poil de la bête dans ces derniers instants, pour une vingtaine de minutes de toute beauté, nous faisant fermer les yeux sur quelques défauts afin de profiter de cette ambiance totalement unique et sensorielle, certes provocante dans ces derniers instants, mais finalement oh combien naturelle et envoutante, tout en nous faisant rire (volontairement ou non) pour un plan qu’il fallait oser (les spectateurs étant restés jusqu’à la fin du métrage ont ris de bon cœur devant ce plan). Le final trouve toute sa justification finalement, et permet de conclure Enter The Void sur une note uniquement positive, si l’on accepte de se plonger totalement, corps et âme, dans l’expérience proposée, allant bel et bien à l’encontre du cinéma traditionnel parfois bien trop souvent formaté. Enter the Void, c’est finalement la vie, mais aussi la mort, le sexe, et tout ce qui caractérise l’homme, dans ses défauts comme dans ses qualités. Un trip sensoriel unique à vivre dans une salle de cinéma, auquel il faut survivre, et qui se mérite finalement même.

Les plus
Visuellement somptueux
L’ambiance qui se dégage du métrage
La première partie
La dernière partie, provocante
Les moins
Quelques longueurs et effets de styles répétitifs
Les acteurs pas toujours au top

En bref : A ceux qui veulent vivre une expérience autant visuelle que sensorielle hors norme, en marge d’un cinéma formaté, Enter The Void est un bijou dont on pardonne les quelques défauts pour en profiter pleinement.

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