ACHILLE ET LA TORTUE (アキレスと亀) de Kitano Takeshi (2008)

ACHILLE ET LA TORTUE

Titre original : Achilles to Kame – アキレスと亀
2008 – Japon
Genre : Drame
Durée : 1h59
Réalisation : Kitano Takeshi
Musique : Kaijura Yuki
Scénario : Kitano Takeshi

Avec Kitano Takeshi, Higuchi Kanako, Yanagi Yûrei, Aso Kumiko, Enjôji Aya, Osugi Ren et Ibu Masato

Synopsis : Depuis son enfance, Karamochi Machisu passe ses journées à peindre et dessiner. Toute sa vie sera vouée à cette passion dévorante. Peu talentueux, il continuera malgré tout, toujours soutenu par sa femme.

Beaucoup s’évertuent à dire que le cinéma de Kitano est devenu totalement différent et surtout beaucoup moins intéressant et réussi après Aniki mon Frère en 2000 et Dolls en 2002. Quittant l’univers simple des polars contemplatifs, Kitano aura pourtant livré en 2003 son excellente version de Zatoichi (qui en plus se finissait sur un splendide festival de claquettes). Puis Kitano se perdit, en quelque sorte, au sein de sa propre création, avec Takeshi’s et Glory to the Filmaker ! Mise en abîme sur sa profession et sa qualité d’artiste, les deux œuvres s’avèrent pourtant déséquilibrées, et l’aspect comique pas si drôle que ça. Kitano aurait-il perdu son talent en s’interrogeant sur lui-même ? C’est après ces deux films que débarque en 2008 Achille et la Tortue, dernière œuvre de cette trilogie plus personnelle. Sans aucun doute le film le plus maîtrisé de la trilogie d’ailleurs, avec un humour plus subtil, et un côté dramatique fonctionnant à merveille. Kitano nous invite donc à suivre la vie d’un homme, plus précisément trois étapes importantes de sa vie. Sa jeune enfance dans un premier temps, lorsque les malheurs commenceront à s’abattre sur lui, et que de simples paroles de son père et de son entourage lui mettront une idée en tête, une idée qui va influencer sa vie entière et sa psychologie. Cette idée : celle qu’il a du talent pour la peinture. Pour jouer Machisu jeune, Kitano a choisit Yoshioka Reikô, qui s’avère convaincant et montre bien l’innocence et la naïveté du personnage. Aucune surprise à voir Osugi Ren, habitué des films du cinéastes (et de Miike également) dans le rôle de son père adoptif.

Cette longue première partie (45 minutes environ) fonctionne à merveille, à l’aide d’un humour assez enfantin dans l’âme (normal, le personnage est enfant), tout en mettant déjà en place l’aspect dramatique qui ne lâchera jamais le personnage au cour de sa vie. Sans jamais forcer le trait, Kitano dresse un portrait magnifique et des moments qui le sont tout autant, comme lorsque le petit Machisu reproduira en peinture l’aspect d’un défunt. Lors de la seconde partie, Kitano dresse le portrait de Machisu jeune adulte, joué par Yanagi Yûrei (les premiers films de Nakata : Don’t Look Up, Ring 1 et 2, mais également Ju-On de Shimizu Takashi et Helldriver de Nishimura Yoshihiro). Malgré son entrée dans le monde du travail, Machisu n’a pas perdu son envie de peindre. Portant toujours le béret de son père et gardant en mémoire les mots qui lui furent adressé étant jeune, il persiste, proposant à intervalle régulier ses œuvres dans l’espoir de les vendre. Écoutant conseil sur conseil, il tentera de trouver son style, prendra des cours, va faire des rencontres de personnages hauts en couleur qui se veulent artistes également. L’humour se fait toujours présent, mais Kitano nous rappelle à chaque instant que son opposé, le drame, n’est jamais loin. À chaque fois qu’il semble enfin pouvoir aller de l’avant, quelque chose vient se mettre sur sa route. Tragique destin.

Qui continuera bien entendu dans la dernière partie du film, où Machisu est marié, père d’une adolescente qu’il ne contrôle pas, et continue à vivre pour l’art, sans pour autant s’en sortir ou avoir une quelconque reconnaissance. Kitano reprend alors le personnage en main en le jouant, et laisse totalement le drame envahir le récit (malgré quelques notes toujours humoristiques, notamment dans la façon de faire de nouveaux tableaux). Bien que plus âgé, Machisu en est toujours au même point, en recherche de reconnaissance, toujours hanté par le bourrage de crâne alors qu’il n’était qu’enfant. Il devient même la risée de sa fille, et devra redoubler d’inventivité dans ses tableaux. L’humour se fait alors bien plus absurde (voir la scène de la baignoire), mais pourtant, tout cela ne fait que servir à merveille les derniers instants dramatiques du métrage. Naviguant sans cesse entre l’humour et le drame humain, entre le rire et le tragique, parfois même les deux à la fois, les deux étant liés, Kitano revient donc avec un grand film, tout aussi personnel que ses deux précédents, où il remet en cause l’artiste, mais également les critiques, avec un plaisir non dissimulable. On rigole, on a parfois la larme à l’œil, Kitano n’a donc rien perdu de son talent, et il pourra revenir deux ans après aux films policiers avec Outrage, puis Outrage Beyond en 2012 (toujours inédit en France).

Les plus

Trois parties qui fonctionnent bien

On rigole souvent

Des moments tragiques

Les moins

Un mix d’humour et de drame qui va en désorienter certains

 

En bref : Achille et la Tortue est le grand retour de Kitano. Un film personnel et divertissant, tour à tour drôle et triste, qui nous interroge sur l’art.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *