THE GIRLFRIEND EXPERIENCE ALTERNATE CUT de Steven Soderbergh (2009)

THE GIRLFRIEND EXPERIENCE ALTERNATE CUT

2009 – Etats Unis
Genre : Drame
Durée : 1h17
Réalisation : Steven Soderbergh
Musique : Ross Godfrey
Scénario : David Levien et Brian Koppelman

Avec Sasha Grey, Chris Santos, Peter Zizzo, Timothy J. Cox et Timothy Davis

Synopsis: Chelsea est call-girl de luxe à Manhattan. A ses clients, elle offre bien plus que de banales relations sexuelles : elle leur propose d’être pour eux la compagne d’un soir. Chelsea est convaincue de maîtriser sa vie. Son business marche bien, elle gagne 2000 dollars de l’heure et son petit ami accepte même sa manière de vivre. Mais quand on multiplie les rencontres, on ne sait jamais sur qui l’on va tomber…

The Girlfriend Experience avait été pour moi une excellente surprise lors de sa découverte au cinéma l’année dernière. Soderbergh livrait un film dans la lignée de Bubble, mais encore plus expérimental, notamment dans le montage. Les dialogues y étaient encore une fois improvisés par des acteurs non professionnels, à l’exception ici de Sasha Grey, qui n’en était qu’à son premier rôle dans le cinéma traditionnel.  Soderbergh tournait son film avec la caméra Red One K4 (soit 4 fois la HD traditionnelle), ce qui lui permettait de le tourner dans des lumières naturelles, après avoir tourné dans ce format les deux films sur le Che, et juste après The Informant ! Le film brillait d’une mise en scène classe, de très jolis éclairages, d’un thème d’ambiance composé par Ross Godfrey (Morcheeba) assez hypnotique (si cela peut se dire quand il s’agît d’audio), et tous les acteurs s’en sortaient à merveille dans leurs rôles. Sasha Grey était vraiment resplendissante et surtout crédible, et le montage non linéaire, qui pouvait rendre le film casse tête, voir ennuyeux pour certains, fonctionna à merveille pour moi. Quelques points noirs apparaissaient tout de même au tableau, dont pour moi des scènes se déroulant dans un avion, trop longues et répétitives, et au style beaucoup plus brut visuellement, contrastant trop avec le reste. C’est finalement avec la sortie dvd américaine en Septembre dernier, et ensuite en France assez tardivement, en Février de cette année, qu’un tout nouveau montage, baptisé montage alternatif non censuré, arriva. Ne vous faites pas d’allusions, le terme « non censuré » ne trouvant absolument pas sa signification dans le montage présenté, et la scène après générique présente dans les versions VOD aux Etats Unis n’est toujours pas présente dans le film. Pour autant, ce nouveau montage, ayant la même durée que le montage cinéma (en réalité, il fait même une minute de moins) tire le film vers le haut et confirme tout ce que j’ai toujours pensé de lui.

Pour vous remettre dans le contexte, Sasha Grey incarne Chelsea, une call girl qui propose la Girlfriend Experience, se faire passer pour une petite amie auprès de son client, avec dîner, sorties, sexe. Elle est en couple avec Chris, un coach sportif joué par Chris Santos. Le film nous propose de s’immuniser au sein de leur vie de couple et de leur travail de manière non chronologique pendant 5 jours. Au niveau de sa structure, ce montage alternatif reste exactement le même, l’ordre des séquences ne changera pas. De nouvelles séquences, finalement, il n’y en aura pas non plus. Que nous propose donc ce fameux montage dont je vente les mérites ? Et bien, ce nouveau montage un poil plus court que le montage cinéma rajoute de nouveaux plans et allonge quelques unes de ces scènes, nous permettant encore plus de pénétrer (pas de jeux de mots SVP) encore plus dans le quotidien et l’intimité de ces personnages. Dés la scène d’ouverture, avec l’apparition du titre, sur le thème de Ross Godfrey, des plans changement littéralement, et l’ensemble fonctionne encore mieux. En prenant des plans plus proches de ces personnages dans cette simple scène d’introduction comparé à la version cinéma, Soderbergh nous rapproche d’eux intimement également, alors qu’il était parfois distant dans l’autre montage. La première partie du métrage ne changera pas des masses, quelques plans seront allongés, d’autres seront décalés d’un plan uniquement, toujours dans l’optique de nous rapprocher de leur quotidien. Et là, la magie du montage de Soderbergh opère, comme s’il m’avait entendu. La grosse bête noire du métrage à mon goût disparaît totalement. L’intégralité des scènes en avion avec Chris partant en week-end avec une bande de riches disparaît. Cela peut faire disparaître pour le spectateur le moins attentif certains messages du film, et Soderbergh ne nous prend pas intégralement par la main, mais finalement cette suppression totale est bénéfique au film, à son rythme, et à sa cohérence visuelle dans son ensemble.

La partie concernant Chris ne se retrouve ainsi plus déséquilibrée par rapport à la partie de Chelsea, le message sous entendu est toujours clair. Car il faut bien l’avouer, si à première vue, pour le spectateur lambda, The Girlfriend Experience peut s’avérer être un film chiant, simpliste, voir minimaliste, il est tout l’opposé, et le fait d’avoir situé son histoire en période d’élection présidentielle renforce cette histoire et le choix de ces deux différents personnages. C’est la crise, chacun cherche à gagner plus d’argent, Chelsea en ayant de bonnes critiques auprès du gérant d’un site, lui permettant ainsi d’avoir de nouveaux clients, et Chris en cherchant à développer son entreprise et en fidélisant ses clients. Là où finalement ses deux personnages divergent, c’est que Chelsea croit en un bonheur plus simple, et se laissera tenter dés qu’un client l’appréciera pour ce qu’elle est vraiment, et pas pour ce qu’il voudrait qu’elle soit, alors que Chris se laissera tenter par le bonheur éphémère de l’argent facile. Ce sont toutes ces contradictions dans leur façon de penser, métaphore de la société au moment du tournage, qui vont mener leur couple à leur perte, et la caméra de Soderbergh filme tout cela avec brio, sans artifices inutiles. On sent néanmoins rapidement que Soderbergh, bien qu’essayant de rester neutre, s’intéresse et se place plus du côté de Chelsea. Ainsi, bon nombre de ces scènes seront allongées. Lorsque dans la version cinéma, elle rencontre un client sur un canapé qu’elle n’a pas vu depuis deux semaines, cette version alternative nous rajoute quelques dialogues, pareil pour un autre de ses clients. Soderbergh tient vraiment à nous emmener dans l’intimité du travail de Chelsea, et l’importance que cela à pour elle. Il ne pouvait pas mieux choisir que Sasha Grey pour jouer ce rôle, ce qu’elle fait à merveille.

Là où le film changera encore plus, ce sera dans la rencontre entre Chelsea et le chroniqueur. La rencontre a toujours lieu dans une arrière boutique en bois peu éclairée et assez désorganisée. Alors que le montage cinéma ne nous montrant que leur rencontre, et que l’on apprenait par la suite lors d’un dialogue ce qui c’était passé, ce montage alternatif prolonge la scène, nous dévoilant ainsi les événements tels qu’ils ont eu lieu, et surtout nous permet de découvrir une Chelsea forte, en apparence, puisqu’elle restera neutre face à cet homme. Chelsea est prête à tout pour y arriver, mais au fond rêve de mieux, et cette scène prolongée donne beaucoup plus d’ampleur à cet événement, et au caractère de Chelsea. Le reste du montage restera identique, et la finalité du métrage également, Chris se retrouvant à Vegas, et Chelsea se retrouvant seule, ayant été trahie alors qu’elle voulait juste croire à son rêve, et à son bonheur. Finalement, saisir sa chance, c’est beau, mais c’est aussi le risque de tomber de haut, en amour comme dans d’autres domaines. Bien entendu, ce montage alternatif du film de Soderbergh ne changera pas l’opinion du spectateur vis à vis du film, la structure restant la même, tout comme le rythme, mais pour celui qui a apprécié le film, ce montage s’avère plus complet, plus intimiste et proche de ses personnages, amenant The Girlfriend Experience au niveau de la fausse simplicité de Bubble, et donc presque au niveau de son chef d’œuvre, Palme d’or à Cannes en 1989, Sexe mensonges et vidéo. Mais quoi qu’il en soit, on ne pourra toujours pas reprocher au métrage ses énormes qualités visuelles et sonores.

Les plus
Mise en scène sublime
Acteurs dans le bon ton
Bonne bande son, discrète mais travaillée
Mieux que le montage ciné
Les moins
Un rythme très lent

En bref : Plus complet, plus développé, supprimant quelques scènes répétitives du montage cinéma, ce montage alternatif rehausse encore un peu le niveau du métrage, et le rend plus fort.

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