LA VIE EST UN MIRACLE (Zivot Je Cudo) de Emir Kusturica (2004)

LA VIE EST UN MIRACLE

Titre original : Zivot Je Cudo
2004 – Serbie
Genre : Comédie Dramatique
Durée : 2h35
Réalisation : Emir Kusturica
Musique : Emir Kusturica et Dejan Sparavalo
Scénario : Emir Kusturica et Ranko Bozic

Avec Slavko Stimac, Natasa Solak, Vesna Trivalic, Vuk Kostic, Stribor Kusturica et Aleksandar Bercek

Synopsis : Bosnie, 1992. Luka, ingénieur serbe venu de Belgrade avec sa femme, chanteuse d’opéra, et leur fils, s’est installé dans un village au milieu de nulle part, afin d’y construire la ligne de chemin de fer qui transformera la région en haut lieu touristique. Tout à son projet, aveuglé par son optimisme naturel, il reste sourd aux rumeurs de guerre de plus en plus persistantes. Mais sa femme, Jadranka, le quitte pour un musicien qui promet de relancer sa carrière de chanteuse d’opéra, et son fils, Milos, est appelé à l’armée. La vie de Luka devient une zone de guerre jusqu’au jour où il rencontre Sabaha…

J’adore le cinéma de Kusturica. Le Temps des Gitans, palme d’or en 1985, fut un grand choc pour moi. Il n’y a bien que Underground (sa seconde Palme d’Or d’ailleurs, en 1995) que je n’ai jamais vu. Et parmi sa filmographie, La Vie est un Miracle a une place particulière dans mon coeur. Car lors de sa sortie en France en Mai 2004, j’étais jeune, en dernière année (ou avant dernière) de Bac, et pour mon stage de fin d’année, j’étais dans un cinéma Art et Essai. Et lors du premier jour de stage, la personne s’occupant de moi n’étant pas là, voilà que l’on m’a envoyé dans la salle. Je ne connaissais pas encore Kusturica, et le film diffusé était La Vie est un Miracle. Ce cinéma, j’y ai ensuite travaillé pendant neuf ans de ma vie. Et La Vie est un Miracle, film que je découvrais sur grand écran sans même connaître son existence m’a transporté, durant 2h35, entre des rires, des larmes, des sourires. La Vie est un Miracle porte d’ailleurs bien son nom, puisqu’avec sa durée, sa galerie de personnages, ses intrigues entre l’histoire d’amour en temps de guerre, la contre-bande, la famille et j’en passe, ces changements de tons, et bien, le film, il tient du miracle tout simplement. Pour ceux dans le fond qui ne connaissent pas, de quoi ça parle donc ? Le film nous conte une histoire d’amour impossible à la Roméo et Juliette, pendant la guerre entre la Serbie et la Bosnie en 1992. Le tout avec pas mal d’humour, un brin de folie, beaucoup de musique, le tout sur fond de guerre et des personnages bien barrés. Tout un programme donc, qui captive dés sa première minute. Dans un premier temps, le film nous présentera une famille quelque peu déstructurée, et l’environnement dans lequel ces personnages évoluent. Luka ne vit que pour ses rails de chemin de fer, il ne se préoccupe pas vraiment du reste, et cette vie lui suffit. Sa femme, Jadranka, est un peu la fofolle de service. Chanteuse d’opéra écartée de la scène, elle rêve de revenir, et profitera de l’ouverture du chemin de fer pour pousser la chansonnette. Et leur fils, Milos, regrette d’avoir quitter Belgrade, rêve de faire du foot. Autour d’eux, des personnages tout aussi fous et décalés : le Maire de la ville qui ne fait que manger, un facteur peureux qui sera attaqué par les ours, le maire adjoint qui fera passer de l’alcool et des cigarettes par la voie de chemin de fer, et accro de la boxe.

La première partie fera évoluer les personnages vers l’inévitable : Jadranka partira, Milos est appelé pour faire la guerre, et celle-ci se prépare à éclater. Mais avant ça, le réalisateur, Kusturica donc, se fait plaisir, en passant de scènes en scènes avec une hystérie et un humour si particulier qui ne s’oublient pas. Ainsi, un simple match de foot se transformera en émeute collective où tous les coups sont permis (même avec les poteaux des buts), une banale chasse aux ours se transformera en assassinat, et l’ouverture de chemin de fer sera un numéro chanté assez catastrophique. Mais au milieu de tous ces événements, le réalisateur disperse un humour si particulier et prenant, et surtout, garde un optimisme, comme celui de Luka, qui ne croit pas en la guerre, et préfère croire que les hommes sont raisonnables. C’est ainsi que Luka et Sabaha vont se rencontrer, à l’hôpital. Ils n’échangeront aucuns dialogues, mais la puissance des scènes et l’interprétation suffit à faire passer toutes les émotions. Dans ce – limite – trop pleins d’intrigues et de personnages, le spectateur ne se perd jamais, son attention ne descend pas, le film est un miracle.

La première partie du film s’achève, Milos est parti, tout comme Jadranka. Luka reste donc seul chez lui, et va continuer à vivre sa vie, ne s’occupant pas du monde extérieur. Pour lui, la guerre ne peut arriver. Il continuera d’entretenir les rails du chemin de fer, et à sa petite passion : une maquette de son travail, des rails, des décors. Il est dans son petit monde, à part, et rien ne peut l’atteindre. La seule chose qu’il attend avec impatience est le retour de son fils à la maison. C’est à ce moment que son monde va s’écrouler, lentement, avec une annonce bien triste : son fils a été capturé par l’ennemi. Luka perd pied, ne sait plus quoi faire. Il ne peut rien faire, et vit très mal la situation. C’est là que le destin mettra sur son chemin Sabaha, capturée également, et qui devra servir à un échange de prisonnier. Luka doit la garder chez lui pendant une semaine, deux semaines au maximum. Luka est humain, et ne peut traiter Sabaha comme une prisonnière. Et c’est ainsi que très lentement, des liens vont naître entre eux, les menant vers un amour impossible, mais qu’ils souhaitent tous les deux. Luka n’en oubliera pas son fils, mais s’apercevra que, peu importe le prix a payer, l’amour est un merveilleux cadeau, et que, comme tous les miracles, il suffit d’y croire. La Vie est un Miracle aurait pu être une histoire d’amour comme les autres, sur fond de guerre, mais il parvient à se différencier, à posséder une réelle force, à pousser les spectateurs à croire aux personnages, en leur amour, comme ils le croient également, malgré tous les imprévus qui se trouvent sur leur route. Et ces imprévus sont nombreux. En tout cas, ce qui étonne dans le métrage, c’est à quel point l’histoire d’amour présentée est solide et fonctionne (revu ce soir, j’ai encore versé une larme), alors qu’elle arrive tardivement au final, après une bonne heure, voir heure et demi de film, sur 2h35.

Un miracle donc, encore une fois, qui tient debout grâce à pas mal de petits détails. Déjà bien entendu, malgré quelques faux raccords (mais bon, avec un tournage étiré sur un an, dur de faire mieux), grâce à la mise en scène de Kusturica, affutée, dynamique, sachant quand partir vers des moments poétiques (la scène du lit, sublime), sachant quand nous fournir des plans longs à la steadycam ou quand se poser beaucoup plus simplement avec des simples champ et contre-champ. La mise en scène est, comme toujours avec lui, extrêmement solide, et le connaisseur reconnaîtra sa patte à des kilomètres. Mais ça ne suffit pas. Il faut bien ajouter à cela le talent des deux comédiens principaux, à savoir Slavko Stimac, jouant Luka, et Natasa Solak, jouant Sabaha. On se souviendra toujours d’eux, de l’histoire d’amour qu’ils vivent malgré la guerre faisant rage, guerre qui ne nous sera d’ailleurs pas montrée, même si elle est bien présente (au mieux, des passages de soldats, et quelques tremblements pour cause de bombardements, mais jamais plus), et sert aux hommes pour se faire de l’argent. Rien qu’en souriant, Sabaha nous donne envie de sourire avec elle. Le pari du film est remporté haut la main, le spectateur pourra rire et pleurer avec les personnages, et voudra croire également au miracle de leur amour, lors des scènes les plus folles ou les plus poétiques du film, comme lorsque Luka et Sabaha, dorment dans un lit, qui commence à s’envoler dans la forêt. Une scène qui n’est pas sans rappeler l’une des plus belles du Temps des Gitans justement (mon préféré de Kusturica). Une réussite à tout point de vue, porté par la musique tantôt dynamique, tantôt triste, composée par Kusturica lui-même (également coauteur du scénario). À classer parmi ses meilleurs films, aux côtés du Temps des Gitans.

Les plus

Une magnifique histoire d’amour
Un rythme entraînant
Les acteurs
La musique
L’humour particulier mais dévastateur

Les moins

En bref : Un peu de folie, beaucoup d’humour, beaucoup de folie, un peu de musique, et on obtient une des plus belles histoires d’amour de ces dernières années.

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