ELISA de Jean Becker (1995)

ELISA

Titre Original : Elisa
1995 – France
Genre : Drame
Durée : 1h55
Réalisation : Jean Becker
Musique : Michel Colombier, Zbigniew Preisner et Serge Gainsbourg
Scénario : Jean Becker et Fabrice Carazo

Avec Vanessa Paradis, Gérard Depardieu, Clotilde Courau, Sekkou Sall, Florence Thomassin, Michel Bouquet et Olivier Saladin

Synopsis : Un soir de Noël en banlieue parisienne, Élisa, fille-mère fête seule le réveillon avec sa fille Marie âgée alors de trois ans. Rejetée par ses propres parents, sans nouvelle du père de sa gamine, elle est dans une situation très précaire. En plein désespoir, elle asphyxie sa fille avec un coussin pour la tuer, met le feu dans son appartement puis se suicide en se tirant une balle dans la tête. Marie qui n’est pas morte, est sauvée par les secours mais vit désormais placée en orphelinat. Devenue une adolescente à quelques mois de sa majorité et vivant dans la marginalité, Marie réussit à récupérer son dossier de la DDASS et à obtenir ainsi l’identité de son père, un certain Jacques Desmoulins parolier et compositeur de musique qui vit reclus sur l’Île de Sein. Avec Solange et Ahmed, ses meilleurs complices, ils s’échappent du foyer.

J’ignore pourquoi, alors que je n’ai jamais été très fan du cinéma Français, mais j’avais vu Elisa à l’époque, sans doute lors d’une diffusion sur Canal + ou une autre chaine, et ce film de Jean Becker m’avait marqué. Puis les années passent, on passe au DVD, puis au Blu-Ray, je n’ai jamais revu le film. Jusqu’à aujourd’hui. Et en le revoyant, et bien, si ce n’est en soit pas un grand film, ou une œuvre marquante et clé du cinéma Français, j’ai toujours aimé Elisa. Toujours un bon film pour moi. Un portrait de personnages un peu paumés, délaissés par la société, par leur famille, essayant de survivre comme ils le peuvent, toujours en ayant un tout petit côté road movie sur sa seconde partie, avec Marie, qui cherche son père, reclus dans un coin paumé. Je pense avoir toujours eu un faible pour les personnages en marge de la société, ces paumés attachants. Un peu comme dans le cinéma de Dupontel en réalité. Et puis bon, Elisa, ça sort en 1995, à une époque où le cinéma Français commence à ne plus trop être ce qu’il était. Les grands réalisateurs commencent à faire un peu n’importe quoi pour certains. Il suffit de voir les carrières de Jean-Marie Poiré, avec Les Anges Gardiens (même si ce film a ma sympathie) et les suites des Visiteurs en 1998 et 2001, ou encore celle de Gérard Oury, qui signe un hystérique et pas drôle La Soif de l’Or en 1993, pour se rendre compte de ce simple fait. Elisa, de Jean Becker, c’est en plus le retour du réalisateur sur le devant de la scène après 12 années d’inactivités, son précédent métrage étant L’Été Meurtrier avec Isabelle Adjani, en 1983. En fait, on pourrait presque dire que sa carrière au cinéma prend son envol avec Elisa, puisque c’est après le succès du film qu’il commence à enchaîner les métrages à un rythme beaucoup plus soutenu et régulier. Elisa donc, c’est l’histoire de Marie, en foyer depuis bien longtemps, après le suicide de sa mère, qui tenta d’ailleurs de prendre la vie de sa fille par la même occasion, et qui survit donc à coups de petites arnaques dans les rues de Paris avec ses amis, dans la même condition qu’elle, Solange et Ahmed.

Le portrait Parisien du réalisateur n’est d’ailleurs pas bien glorieux, entre ses hommes d’affaires dont Marie va profiter et qui ne pensent qu’à profiter d’elle sexuellement, ces personnages peu sympathiques mais facilement manipulables, ces jeunes rencontrés en boite et qui n’ont qu’une seule idée en tête. Du coup, pas étonnant de voir Marie, qui semble se moquer de tout, tenter de profiter de toutes les situations. Vols dans les grands magasins avec ses amis, vol après avoir bien ridiculisé des hommes dans des chambres d’hôtel, et j’en passe. Marie est en colère, et le monde qui l’entoure lui donne toutes les bonnes raisons de s’énerver, de se lâcher. Du coup, fatalement, même quand Marie dépasse les bornes, ou a des réactions parfois extrêmes, on ne peut s’empêcher d’être de son côté et de celle de sa petite bande, puisqu’elle est très souvent accompagnée de ses amis. Le trio composé par Vanessa Paradis, Clotilde Courau et Sekkou Sall fonctionne d’ailleurs très bien durant la première heure. Car après les nombreux déboires de notre groupe dans la capitale Française, l’intrigue va alors délocaliser, pour laisser pleinement l’intrigue principale du film prendre le pas sur les errances des personnages. On part donc pour la Bretagne, une Bretagne qui malgré de très beaux décors semble également bien loin du côté carte postale qu’on aurait pu facilement lui donner, avec ses tons toujours gris, sa pluie, ses alcooliques au bar le soir. Jean Becker apporte donc le même traitement qu’il avait fait avec Paris, afin de donner bien évidemment raison à son personnage principal. Durant cette seconde heure, c’est donc la quête de Marie qui est en avant, à savoir la recherche de son père, qu’elle tient pour responsable du suicide de sa mère, et donc, par extension, de la vie pourrie qu’elle-même a depuis de nombreuses années, toute sa vie en fait.

Gérard Depardieu entre alors en scène, présenté cash comme un alcoolique misogyne peu fréquentable, renfermé sur lui-même, détestable. Et Marie va se mettre en tête de le faire souffrir, sur la durée, en le séduisant, en se jouant de lui. L’intention est louable, l’ambition du film totalement affichée, mais il faut bien reconnaître, que si j’apprécie beaucoup Elisa, le film n’est pas parfait, et paraît surtout par moment assez maladroit, ou un peu trop forcé vis-à-vis de certains éléments. Certains éléments dramatiques du récit ont parfois un peu de mal à décoller, tandis que durant toute la première partie, les aventures de nos héros paumés sont tellement grosses que l’accent est par moment volontairement clairement amené vers l’humour. Qui fonctionne d’ailleurs. On s’amuse du ton moqueur abordé, par les situations, par les dialogues. Mais lorsque c’est clairement l’aspect dramatique qui est en jeu, et se doit d’être en avant, ça fonctionne par moment moins bien. Pourtant, Depardieu, alors au pic de sa carrière, apporte beaucoup de nuance à l’aspect dramatique du film, et Paradis, alors pouvant encore être vue comme une totale débutante, semble beaucoup plus à l’aise à ses côtés, mais voilà. Et pourtant, encore une fois, par moment, ça fonctionne, et quand le film ne tente pas d’en faire trop, comme dans son plan final, bien connu, ça fonctionne, justement car c’est simple, honnête, pas forcé. Alors que juste avant, le film n’hésitait pas à faire un peu dans la facilité, voir dans la gratuité, comme lorsqu’il dénude Vanessa Paradis, préférant la dévêtir physiquement qu’émotionnellement. Ironiquement, ça a parfois malgré tout du sens, et c’est dans cette fragilité, dans la façon de faire, d’aborder les sujets, qu’Elisa en devient attachant. Bancal, amusant, dur parfois aussi, juste, maladroit, le tout et son contraire. Le tout pourra irriter certains spectateurs, et plaire à d’autres. Je suis donc dans cette seconde catégorie.

Les plus

Un portrait de personnages paumés
Le casting, pas parfait, mais attachant
Les notes d’humour fonctionnent

Les moins

Parfois maladroit
Par moment, on sent cette volonté de vouloir en faire trop

En bref : Elisa n’est pas parfait. Il fait parfois dans la facilité pour faire passer son message, mais il demeure malgré tout sympathique, délivrant un portrait de personnages à la fois doux et amer.

6 réflexions sur « ELISA de Jean Becker (1995) »

  1. Quelle surprise que de voir « Elisa » traîner dans les parages.
    Vieux souvenir aussi pour moi mais, contrairement à toi, déjà à l’époque ce film ne m’avait pas plu. D’ailleurs, aucun des films de Becker (fils) ne trouve vraiment grace à mes yeux. Même « l’été meurtrier » ne m’a pas laissé un souvenir imperissable. Peut-être devrais-je réviser mon jugement.

    1. Je me disais la même chose quand j’ai mis mon article en ligne, c’est vrai qu’autant je parle parfois de drames et compagnie, mais le cinéma dramatique Français, encore plus des années 80/90, c’est assez rare chez moi. Pourtant, j’aimerais bien parler de quelques autres films Français de ses années là, dont justement L’ÉTÉ MEURTRIER, car je suis un très grand fan d’Adjani. Rien que pour elle, il faudrait redonner sa chance au film.
      Mais dans le fond, je suis sûr que cinématographiquement parlant, ELISA est quand même bien meilleur que, allez, pour piocher dans tes derniers métrages, un certain MOONFALL hahaha 😀

        1. Eeeeeeeeeeeeeh non mais non mais stop là ! Je vais être obligé de contrer tout ça très vite par des films plus gros, plus explosifs ! (en vrai, c’est prévu, mais des films de Hong Kong principalement).
          Déjà Vanessa Paradis faire décoler une navette sur un fond vert…. euh je veux dire un océan en furie, pas crédible enfin !

            1. C’est vrai, le film que l’on oublie souvent dans la carrière d’un peu tous les acteurs y ayant participé ! Alors qu’à sa sortie, j’étais un des seuls à défendre le film, sans être fan. Il y a quelque chose de tellement inhabituel quand tu le compares au reste de la production Française de l’époque (et d’aujourd’hui, en général) que voilà, impossible pour moi de le descendre, même s’il se plantait une idée sur deux.

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