CRAZY SAMURAI MUSASHI (狂武蔵) de Shimomura Yûji (2020)

CRAZY SAMURAI MUSASHI

Titre original : 狂武蔵
2020 – Japon
Genre : Action
Durée : 1h31
Réalisation : Shimomura Yûji
Musique : –
Scénario : Tomori Atsuki

Avec Sakaguchi Tak, Yamazaki Kento, Saitô Yôsuke, Hiura Ben, Yamanaka Arata, Hara Fuka et Kimura Kôsei

Synopsis : Un clan réunit 100 de ses membres ainsi que 300 mercenaires afin d’éliminer Musashi Miyamoto dans une bataille épique.

Crazy Samurai Musashi, je le vois, enfin, avec un peu de retard. Ironiquement, je pourrais vous parler pendant des heures de son pari fou, de sa conception, mais très peu du film. Car c’est triste à dire, mais il n’y a pas grand-chose à dire. Un film intéressant dans son approche, intéressant à voir une fois, mais qui s’écroule par son concept même, sa rapidité, une tripotée de petits défauts, et finalement, en échouant à être un réel film de cinéma. Pour tout reprendre, il faut retourner des années en arrière, en 2010 ou 2011, lorsque Sono Sion travaille sur un film nommé Kenkichi, film qui se ne fera pas. Un film qui devait contenir un plan sans coupures d’environ 10 minutes. Mais le projet est tout simplement abandonné. Mais Sakaguchi Tak, lui, il n’abandonne pas. Celui qui fut révélé aux yeux du public en 2002 par Versus de Kitamura, et qui depuis navigue entre petites et modestes productions comme coordinateur, cascadeur, acteur et parfois réalisateur et grosses productions n’abandonne pas, et une équipe étant déjà en place, il a l’idée, avec Shimomura Yûji qui passe réalisateur, d’étendre l’idée du plan séquence à un film entier, une bataille équipe d’un seul plan de 77 minutes. Oui, 1h17 donc. Des mois de répétitions, de préparations, pour un plan réellement tourné en une seule prise. Oui, le plan existe, fut tourné tel qu’on le découvre en 2020… Mais il fut tourné en 2011. Il faut attendre 2018 pour que des fonds arrivent, permettant de tourner des scènes additionnelles (l’ouverture et la fermeture du film, filmées normalement), mais également d’enregistrer les sons, rajouter des CGI bien voyants pour le sang, et finalement, le film sort, en 2020. 9 années pour voir enfin le résultat de cette énième collaboration entre Sakaguchi et Shimomura. Car pour ceux qui ne les connaissent pas, ils avaient bel et bien déjà travaillés ensembles, sur Death Trance en 2005 par exemple, ou Re :Born en 2016, aux mêmes postes (réalisateur et acteur). Mais Shimomura, c’est aussi un réalisateur de scènes d’action, sur Versus, Alive, Aragami (les trois avec Sakaguchi, pour Kitamura), et aussi plus récemment Yakuza Weapon et Deadball. Mais plus surprenant, sur quelques jeux vidéo signés Capcom, comme Devil May Cry 3 et 4, ou encore Onimusha 3.

Mais revenons donc à Crazy Samurai Musashi, et sa proposition d’un plan séquence de 77 minutes dans un film de 91 minutes. Tout commence magistralement d’ailleurs. Des guerriers qui attendent, qui stressent, savent que le combat de leur vie est sur le point de commencer. Une tension palpable, une jolie photographie, un montage acéré. Puis Musashi débarque, et avec lui, le fameux plan séquence. Évacuons donc déjà ce dont tout le monde se doute. Oui, la performance, le travail demandé, les répétitions, la logistique, bref, tout le travail demandé pour effectuer cette fameuse prise, cela relève du génie dans un sens, et se doit d’être salué, car ce n’est pas le plan séquence de dialogue, ou fixe, ou dans un huis clos parfaitement contrôlé. C’est du plan séquence d’affrontement entre 400 hommes, dans un lieu ouvert, une forêt, avec une caméra mouvante, le soleil à gérer en terme de photographie, et donc, d’ombres, un personnage en mouvement perpétuel, passant dans la forêt, des villages abandonnés, et encore des forêts. Mais au-delà de cette performance ? Et bien c’est là où Crazy Samurai Musashi échoue. Ressemblant bien plus à une démo technique, à ce genre de plans que l’on montre à un producteur pour obtenir du soutien voir du financement. Bien entendu, outre ce que j’ai cité, il y a de bonnes choses. Le réalisme de ce long affrontement dans un premier temps. Pas de coups improbables non, mais une certaine vision de ce qu’un affrontement pouvait bien ressembler à cette époque, avec ces coups hésitants, cette attente parfois comme pour déstabiliser son ennemi, faire un pas pour mieux reculer de deux pas, attendre le bon moment, l’ouverture. En ce sens, Crazy Samurai Musashi est sans doute la meilleure représentation de ce qu’un affrontement de ce genre devait véritablement être. Malheureusement, au-delà de cet aspect, et de quelques changements de décors (le petit village abandonné) ou de quelques ennemis faisant office de mini boss, c’est plus l’ennui qui frappe.

Car c’est énormément répétitif dans sa proposition, et même dans sa mise en application. Toujours les mêmes coups, les mêmes hésitations, toujours les mêmes ennemis qui vont refaire les mêmes erreurs. Et si je peux comprendre la présence de certains défauts, comme tout à coup l’ombre furtive du caméraman, puisque forcément, arrivé à 40 minutes du plan, on n’a pas forcément envie de gueuler « coupez on la refait » alors que l’acteur principal, qui donne tout ce qu’il a, s’est pété un doigt et 4 dents depuis le début… Mais le souci, c’est que l’aspect ultra répétitif du film, qui ennuie, fait ressortir tous les petits défauts que l’on pouvait pardonner. Comme ces gerbes de sang en CGI, on se dit que le film aurait été tout simplement mieux sans. Mais ce n’est rien ça. On pourra légèrement rire en voyant ses ennemis, terrassés, mais qui dans leur élan, vont très loin, histoire de sortir du cadre de la caméra et de revenir plus tard. Le pire étant ceux tombant au sol, que l’on aperçoit rouler au sol pour sortir du cadre dans un coin de l’écran. Et ça arrive très souvent. Oui, c’est pour un souci de logique, la production n’ayant pas 400 cascadeurs à disposition, et chorégraphié ce plan unique avec des corps inertes partout au sol n’aurait pas été aisé. Mais on perds en réalisme, on fait de plus en plus attention à tous ces détails, ça nous sort de l’aventure, le temps paraît long, et finalement, on retiendra plus du film son concept et ces rares scènes filmées normalement que le cœur du film, son plan séquence. Clairement dommage. En tant que film, ce n’est pas bon.

Les plus

Le travail, l’ambition et la technique derrière tout ça
L’ouverture fait plutôt bien monter la sauce

Les moins

77 minutes très longue au final
Ultra répétitif
Pleins de petits défauts qui deviennent vite très voyants
Un film misant tout sur un plan d’action est-il un film ?

En bref : Intéressant, voir passionnant dans sa création, Crazy Samurai Musashi n’est pas à proprement parler un bon film. Une expérience, un essai, une envie de repousser quelques limites sans doute. Mais pas un bon film, tant son plan séquence de plus d’une heure est vite répétitif, et qu’arriver au bout du film est assez compliqué.

2 réflexions sur « CRAZY SAMURAI MUSASHI (狂武蔵) de Shimomura Yûji (2020) »

  1. Je suis d’accord. Comme tu le dis, il faut rendre hommage au courage et à l’abnégation des gens derrière ce projet. Mais on s’ennuie. Ce n’est plus vraiment « un film ». Par contre, et je crois que tu ne le précises pas, mais les deux scènes filmées normalement sont très bonnes – l’intro et le final.

    Je le trouve quand même vraiment attachant, Sakaguchi Tak. As-tu vu RE:BORN ? Je perds la mémoire on voit trop de films, et tu en chroniques trop ahah. Il est intéressant celui-là, pas parfait mais il propose une technique martiale réaliste (peut-être trop, donc pas très « cinégénique »).

    1. Oh ça oui, tu sais que j’ai faillis arrêter plusieurs fois, enfin, faire des pauses, tellement ce qu’il se passait ne me passionnait pas vraiment. Je parle un peu de l’intro en disant qu’elle fait très bien monter la sauce, avec tous ses samurais qui attendent, l’appréhension. Le final par contre a moins marché, j’avais déjà totalement décroché du film.

      RE-BORN, je l’ai, il est dans ces nombreux films que je dois voir. J’ai peut-être fais l’erreur de ne pas le voir avant, et du coup d’être moins motivé, alors que oui, Sakaguchi, il est attachant depuis ses débuts pour ceux comme nous qui l’avons découvert au ciné avec VERSUS, puis quand on a découvert aussi ses modestes réalisations (SAMURAI ZOMBIE, déjà des samurai haha).

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