MATRIX RESURRECTIONS de Lana Wachowski (2021)

MATRIX RESURRECTIONS

Titre original : Matrix Resurrections
2021 – Etats Unis
Genre : Science Fiction Méta
Durée : 2h28
Réalisation : Lana Wachowski
Musique : Johnny Klimek et Tom Tykwer
Scénario : Lana Wachowski, David Mitchell et Aleksandar Hemon

Avec Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jonathan Groff, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris, Jada Pinkett Smith, Priyanka Chopra Jones, Christina Ricci et Lambert Wilson

Synopsis : Pour savoir avec certitude si sa réalité propre est une construction physique ou mentale, et pour véritablement se connaître lui-même, M. Anderson devra de nouveau suivre le lapin blanc. Et si Thomas… Neo… a bien appris quelque chose, c’est qu’une telle décision, quoique illusoire, est la seule manière de s’extraire de la Matrice – ou d’y entrer… Bien entendu, Neo sait déjà ce qui lui reste à faire. Ce qu’il ignore en revanche, c’est que la Matrice est plus puissante, plus sécurisée et plus redoutable que jamais. Comme un air de déjà vu…

Personne n’attendait un Matrix 4. Sauf la Warner peut-être, car après tout, Matrix, le premier en tout cas, ça a chamboulé l’industrie, en plus de ramener un bon paquet de billets verts. Mais ça, c’était en 1999. Le monde a changé, tout le monde connaît Matrix. Mais oui, le monde a changé pour atteindre en 2021 un constat étrange en ce qui concerne le monde du cinéma. Je parle évidemment de cette vague de nostalgie qui est là depuis des années et nous abreuve de suites tardives, remakes, reboots et j’en passe, qui vient parfois même envahir d’autres modes (la nostalgie dans le dernier Spider-Man). Parfois, à de rares occasions, c’est réussi. Je parle bien entendu de deux des plus éblouissantes réussites de 2017, voir de la décennie passée en fait, à savoir un certain Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, et un certain Twin Peaks The Return de David Lynch. Deux œuvres fortes faites par des artistes qui n’en ont souvent que faire des attentes, que ce soit des studios qui veulent de l’argent facile en refaisant la même chose qu’à l’époque, ou des fans qui veulent retrouver ce qu’ils connaissent. Et bien contre toute attente, en 2021, Matrix 4 débarque en fin d’année, nommé Matrix Resurrections. Lana Wachowski revient d’ailleurs à la mise en scène, et au scénario, sans sa sœur partie faire autre chose dans son coin. Un budget confortable, le retour de quelques acteurs de la trilogie de base, est-ce que tout cela était suffisant pour justifier un Matrix Resurrections, pour plaire aux fans ? Je l’ignore, puisque je ne suis fan d’aucun épisode de la saga Matrix, sans pour autant pouvoir renier ce qu’elle a apporté au cinéma US, ainsi que l’importation de certains talents (Yuen Woo Ping aux chorégraphies déjà). Ce qui est au final certains, c’est que ce quatrième opus a été fait pour diviser. Ça tombe bien, puisque le film même peut être divisé en deux parties, qui se contredisent. La première, la plus ingénieuse, celle qui met en confiance et place de hauts espoirs en le film, faisant vraiment office pour le coup de Matrix Resurrections, et la seconde partie, qui, sans spoiler, fait simplement office de Matrix 4, l’âme, l’énergie et la folie en moins. Aie !

Car oui, le métrage, en plus de durer 2h30 tout de même, est découpé en deux parties de quasiment 1h15 chacun. La première partie a des choses à raconter, aime se jouer du spectateur, de ses attentes, ouvre de multiples portes vers de multiples possibilités. Tellement multiples qu’on ne peut s’empêcher de sourire en voyant ce choix binaire de la pilule rouge et de la pilule bleue. L’on y retrouve Neo, mais Neo n’est plus ce qu’il était, devenu dans la matrice créateur de jeux vidéo. Ça tombe bien, sa plus grande œuvre, c’est une trilogie de jeux, nommés Matrix, dont le studio demande un quatrième opus. On ne pourra pas faire plus méta, et Lana Wachowski en profite pour ouvrir des portes et surtout tirer sur l’ambulance, le chauffeur de l’ambulance, son constructeur et son financier. Ça a quelque chose de certes facile mais de tellement osé que c’est à saluer. Comment la Warner, tellement désireuse depuis des années de voir débarquer un quatrième film, a pu valider un tel scénario critiquant cette même envie de suite ? Ont-ils simplement alignés les billets pour la réalisatrice une fois son contrat pour livrer une suite enfin dans la boite ? Ou alors la Warner a-t-elle vraiment depuis quelques années un peu de recul sur le milieu et son fonctionnement ? Peut-être depuis le carnage Justice League ? Je l’ignore, on l’ignorera sans doute longtemps, mais voilà, cette première heure en tout cas ose raconter de nouvelles choses, et faire finalement ce que Matrix fait de mieux, à savoir livrer un constat du monde actuel, au moment de sa sortie. En 1999, Matrix profitait du passé cinématographique, du côté inconnu du cinéma HK pour le grand public, et de l’essor grandissant d’internet pour y placer ses thématiques. Matrix Resurrections en 2021 fait la même chose, dresse un portrait du monde actuel, culturellement, cinématographiquement, et ce n’est pas forcément glorieux. Mais c’est amusant. Seulement on se heure vite à un problème. Le problème, c’est que placer au premier plan ce constat, c’est bien. Mais Matrix Resurrections reste quoi qu’il arrive un film, un film de cinéma donc, et il faut malgré tout avoir une histoire à raconter. Et c’est là que débarque la seconde partie, et le début de la catastrophe.

Car au-delà de son message méta, Matrix Resurrections redevient Matrix 4, ou Matrix 1,5, et n’a plus rien de neuf à raconter, ne faisant que s’engouffrer les pieds devant dans tout ce que la première partie critiquait. Suite facile, semi reboot, effets de déjà vus. Oui, rien ne viendra bouleverser finalement cette seconde heure, qui nous met en terrain connu. Mais l’ensemble pourrait néanmoins passer grâce à un élément simple, car il est bon de se rappeler que si Matrix Reloaded en son temps frôlait la catastrophe, et que le temps ne joue pas en sa faveur (des CGI hideux qui vieillissent mal, alors que ceux du premier vieillissent bien), il était néanmoins à quelques moments sauvé par sa générosité en terme d’action. Des scènes parfois trop longues et narrativement inutiles, mais qui envoyaient du lourd, comme par exemple avec cette poursuite sur l’autoroute. Oui, Matrix ne se résume pas à l’action, mais c’est un de ses composants. Ici, Lana Wachowski a fait un choix normalement réservé à Christopher Nolan. Pas de réalisateur de seconde équipe, la réalisatrice s’occupera personnellement de tous les plans de son film. Et bien malheureusement pour elle, elle aurait sans doute du s’abstenir, et faire appel à un voir deux réalisateurs de seconde équipe, le tout manquant d’ampleur, étant souvent filmé avec les pieds, cadré de bien trop près, et en plus souffrant, pour les combats à mains nues, de chorégraphies vraiment pas folles. Pour vous dire, un John Wick impressionne beaucoup plus niveau action, avec un budget moindre. Les idées sont là pourtant, comme un combat dans un dojo entouré d’eau, ou dans un train à pleine vitesse au Japon, ou une course poursuite à moto dans les rues de San Francisco. Oui, les idées sont là, les idées sont cool, mais à l’écran, il n’y a aucun souffle épique, aucun moment marquant, et les scènes d’action sont le point faible du film. L’absence d’artistes comme Yuen Woo Ping se fait plus que sentir.

Lana Wachowski voulait peut-être un rendu plus brut, plus réaliste que sur la trilogie originale. Mais ce n’était pas une raison pour, encore une fois, filmer ça avec les pieds. Dès la scène du train, scène pivot du film en quelque sorte, on sent que ça cloche. Matrix Resurrections semble totalement perdu entre ses ambitions et son résultat final, entre son texte méta et son histoire exactement la même qu’il y a 20 ans, entre ses nouveaux personnages charismatiques et bien joués (notamment Bugs, joué par Jessica Henwick) mais jamais développés et son monde pourtant assez pauvre en enjeux, voir en crédibilité, quand on débarque dans une ville pour y voir seulement 5 ou 6 malheureux figurants s’y balader là où ça devrait grouiller de vie. Puis il y a aussi ses robots qui ressemblent à des Pokemon, Néo qui se sort de chaque situation en utilisant le même pouvoir (oui, un cheat code donc ?), l’utilisation à outrance de plans de la trilogie originale, le fameux plan final où tout se passe étonnement trop bien, et j’en passe… Matrix Resurrections est un film de paradoxe. Le plus grand étant sans doute Trinity, alias Carrie-Anne Moss, de retour, pour un arc narratif pas inintéressant d’ailleurs, et où l’actrice prouve qu’elle peut toujours jouer (non car je ne l’avais pas vu à l’écran depuis des années, mais de mémoire, c’était sur l’immonde Silent Hill Revelations), mais dont le temps de présence à l’écran ne doit certainement pas dépasser les 30 minutes, voir allez, 40 minutes en étant gentil. Ce qui est peu quand on veut faire tourner une bonne partie de l’intrigue autour d’elle. Je m’abstiendrais de parler du retour de Lambert Wilson, attendu, ou de Jada Pinkett Smith, moins attendu, tant les deux, pour des raisons différentes, ne fonctionnent pas du tout. Matrix Resurrections, c’est une belle note d’intention durant la première partie, avant d’être tout simplement comme tous ces produits récents jouant sur la nostalgie du public. Et l’équipe ayant apparemment eu une liberté pour faire le film, on n’en vient encore plus à se questionner sur ce qu’il s’est passé au final ! Aucun doute que le métrage sera rejeté par certains, ou que certains fans sans doute trop aveuglés crieront au génie (et l’auraient fait même si le film s’était résumé à des lignes de code défilant durant 2h30 à l’écran). La vérité, elle est sans doute quelque part au milieu. Car si on se souvient encore de Matrix, et même de Matrix la trilogie, et ce pas toujours pour de bonnes raisons, pas sûr qu’on se souvienne dans quelques années de ce Resurrections. Ou on s’en souviendra, pour son monumental flop au box office, ne rentabilisant même pas son budget…

Les plus

Le côté méta, osé
La première partie, intriguante
Des acteurs pas mauvais du tout

Les moins

L’action ratée
La seconde partie, sans imagination
Deux parties qui se contredisent

En bref : Personne ne le voulait, mais il est là. Et contre toute attente, la première partie est intéressante et tient un propos assez osé, bien que facile… avant que ne débarque la seconde partie, qui plonge dans les travers de ce qu’il voulait démonter au départ.

6 réflexions sur « MATRIX RESURRECTIONS de Lana Wachowski (2021) »

  1. T’as tout dit. Oui, même l’action n’est pas terrible. Et effectivement la 1ère partie, sans être géniale, est relativement osée et ELLE RACONTE QUELQUE CHOSE ELLE AU MOINS. Puis patatras, la 2ème partie débarque et Lana fait exactement tout ce qu’elle dénonçait dans sa 1ère partie. Intellectuellement c’est incompréhensible, ce choix. D’ailleurs je n’ai toujours pas compris.

    C’est triste à dire mais ce film mérite son bide.

    1. Pour son bide, honnêtement, je sais pas…
      Il le mérite car son message n’est pas vraiment clair, car la seconde partie renie la première, et donc en fait nous prend un peu pour des cons, soyons honnêtes, mais en même temps, quand tu vois qu’il fait un bide juste car à côté, tu as SPIDER-MAN et son fan service (je ne l’ai pas vu hein, mais bon, tout le monde en parle), je trouve le bide malgré tout assez amer. Le film aurait été excellent, il aurait au final fait le même bide…

      Mais voilà, c’est vu, j’ai réussi plus ou moins à poser mon avis sur papier virtuel, et je pense que d’ici quelques mois, je l’aurais oublié. Maintenant, mission impossible 2 : écrire sur THE WORLD OF KANAKO que j’ai vu hier. Un film que j’ai détesté aimer, et aimé détester.

      1. Pas aimé. Mais on en avait déjà un peu parlé je crois : suis pas fan de Nakashima Tetsuya. J’en reparlerai quand tu auras posté ta chro.

  2. Depuis Alien, j’ai appris à me méfier des résurrections. Celle de Matrix ne m’émeut guère puisque je n’aime que le premier.
    Si j’ai l’occasion de voir celui-ci, je m’arrêterai donc au bout d’une heure et quart.

    1. Bien vu le rapprochement des résurrections, même si pour Matrix, il y a un S, et de mémoire, pas pour le Alien (un détail tu me diras). Même le premier perso, je n’ai jamais été fan, mais bon, j’aime bien, evidemment, c’est un bon film ^^ Qui se bonifie au final quand tu vois les suites.

      Mais oui, voilà, rien que pour sa longue première partie, je n’arrive pas à en vouloir au film, je n’ai pas non plus perdu 2h30 de mon temps devant ^^ Mais ça manque de Cage, heureusement que j’ai encore bie 6 ou 7 films de lui dont je veux parler, dont plusieurs déjà planifiés, ne t’en fais pas 😉

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