HERETIC de Scott Beck et Bryan Woods (2024)

HERETIC

Titre Original : Heretic
2024 – Etats Unis
Genre : Suspense
Durée : 1h51
Réalisation : Scott Beck et Bryan Woods
Musique : Chris Bacon
Scénario : Scott Beck et Bryan Woods

Avec Hugh Grant, Sophie Thatcher, Chloe East, Topher Grace et Elle Young

Synopsis : Deux jeunes missionnaires mormones se rendent chez M. Reed, un homme excentrique, pour prêcher et tenter de le convertir. Ce dernier va cependant s’avérer bien plus dangereux qu’elles n’auraient pu l’imaginer.

Grâce à un seul scénario, le duo Scott Beck et Bryan Woods est devenu pour les studios un gage de qualité, et de rentabilité. Oui, le duo, s’ils ne sont pas dans le milieu depuis seulement un ou deux films, leur carrière remontant au début des années 2000 avec des films qu’ils écrivent, réalisent, produisent, et parfois, montent et s’occupent de la photographie, a explosé lorsqu’ils ont signé en 2018 le scénario de Sans un Bruit, A Quiet Place. Du coup, les studios leur font limite une confiance aveugle, ce qui leur aura permis, en 2023, de sortir un 65 tourné pour un budget de 45 millions de dollars, et ce fut un pétard mouillé où Adam Driver cherchait des dinosaures aussi longtemps que le public, tant ce n’était pas généreux, malgré sa courte durée (1h33). Le film fut d’ailleurs un échec au box-office, n’amassant que 60 millions (pour être rentable, il lui aurait au moins fallut 115 millions). Mais les studios y croient toujours, et cette fois-ci, c’est A24 qui y croit à fond. On ne fera pas la chronologie du distributeur tant leurs films sont nombreux, les succès aussi, et qu’ils ont le mérite d’oser des choses, que ce soit bon ou pas, mais en vrac, on leur doit Everything Everywhere All at Once, Civil War, Lady Bird, Hereditary, Midsommar, Spring Breakers, The Blind Ring, Enemy, Tusk et j’en passe. Bon, sauf que donc, le nouveau projet du duo, il interpelle. Pas de grosses promesses bis puisqu’on nous promet un quasi huis clos entre trois personnages, et surtout, qu’on nous place Hugh Grant en antagoniste, et que le bonhomme semble s’éclater à jouer les méchants, comme ce fut le cas dans le récent Donjons et Dragons. Dans Heretic donc, deux mormones se rendent chez monsieur Reed pour tenter de prêcher la bonne parole et c’est un long, très long moment dialogué qui va s’en suivre, avec humour noir, ironie, et une foi souvent mise à toute épreuve. Et pourquoi pas dans le fond hein ?

Surtout qu’Heretic, durant toute sa première heure, impressionne. Par sa sobriété, par la qualité des dialogues, par le jeu des trois acteurs principaux, par sa mise en scène extrêmement bien rodée. Ça en devient par moment aussi inquiétant que jouissif. Inquiétant car on se doute bien que le monsieur Reed, il cache bien son jeu, et la mise en scène, qui n’en fait pas des caisses, réussi à capturer ces moments. Des gros plans, qui parfois s’éternisent, des doutes, des moments de flottements. C’est bien fichu, bien pensé, bref, ça fait exactement le boulot demandé pour le résultat voulu, et c’est très appréciable. Mais surtout, si Heretic passionne durant sa première heure, c’est donc grâce aux acteurs. Sophie Thatcher (Companion, dont je vous parlais il y a deux jours tiens) et Chloe East (Next Level, The Wolf of Snow Hollow, The Fabelmans) sont toutes les deux excellentes en mormones, crédibles, et face à elle, il y a un Hugh Grant impérial, qui semble vraiment s’éclater. Le film doit beaucoup à l’acteur, et il faut dire que vu les dialogues qu’on lui a concocté, il ne pouvait en être autrement. Si vous avez toujours rêvé de voir Hugh Grant chanter du Radiohead ou comparer Jésus à Jar Jar Binks, Heretic est pour vous. Sans doute qu’un spectateur un brin trop religieux aura du mal avec les dialogues, mais je doute qu’il soit, de base, le spectateur cible, et qu’il se rende de lui-même en salles pour voir un film appelé Heretic. Et puis il y a aussi ce dialogue sur le Monopoly… Bref, c’est finement écrit, bourré d’humour, drôle mais tendu, et ça fonctionne à la perfection. Qu’est ce qui pourrait mal tourner ? Simple, la seconde heure. Non pas que Heretic devienne un calvaire durant sa seconde heure, mais il fait des choix narratifs qui apparaissent alors moins intéressants, moins pertinents, plus faciles. Et puis il y a la fin…

Durant la seconde heure, plutôt que de continuer sur la lancée de la première, le film effectue un petit virage, tentant malgré tout pendant un temps de nous manipuler, mais on se doute que quelque chose cloche là-aussi. Dès le moment où les personnages pénètrent dans la cave, le film perds quelque peu en intensité, en surprises, et bien que cela reste encore plaisant et divertissant, les meilleurs dialogues sont derrière lui également. Ça ne fait pas d’Heretic un mauvais film, mais ça en fait un génial concept qui s’écroule un peu, et perds alors en intensité. Ça aurait presque dû rester dans la simplicité, en fait. Et puis il y a la fin, les dix dernières minutes, qui semblent alors partir dans un sous-texte prenant alors parti. Et bien évidemment, Amérique oblige, partant du côté religieux et non pas athéiste. Evidemment. Et c’est dommage tout ça. Dommage qu’un film si bien rodé et au départ finement écrit parte dans une telle facilité qu’il évitait jusque-là. Evidemment aussi, pour sa première heure, et la prestation des acteurs, Heretic mérite clairement le coup d’œil. Surtout qu’avec le précédent film des réalisateurs et scénaristes, la surprise n’en est que plus grande, elle est même inespérée. Et que l’on retiendra malgré tous les longs monologues de Hugh Grant.